Le documentaire “Révolution SIDA”, de Frédéric Chaudier est utile. Il fait le point sur une des pandémies les plus ravageuses de la fin du 20e siècle, toujours d’actualité. Un point qui pourrait virer au poing dans la gueule des inconscient·es qui se répandent sur l’air du “Youpi !, c’est sous contrôle, on ne meurt plus du sida”. Sauf que si !
Certes, dans nos pays occidentaux le fléau est relativement maîtrisé, mais, ailleurs, l’hécatombe suit son cours. Le documentaire s’ouvre sur une statistique glaçante : il y a aujourd’hui entre 34 et 44 millions de malades porteur·euses du VIH et la moitié n’ont pas accès aux traitements. Ces chiffres émanent d’ONUSIDA, mais ils sont probablement sous-estimés et se sont sans doute aggravés depuis la crise du Covid-19. Cette stupeur a motivé Frédéric Chaudier à réaliser Révolution SIDA, une odyssée mondiale de l’épouvante qui visite bien des pays (notamment l’Afrique du Sud), même ceux où, sur la question du sida, il ne fait pas bon mettre les pieds dans le plat, au risque, sinon, qu’on vous les coupe.
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Cas d’espèce, l’étape chinoise qui documente une hallucinante affaire de sang contaminé. Entre 1992 et 2005, dans des provinces pauvres (dont celle du Henan), on fit commerce du sang et celui-ci était souvent contaminé. Omerta des autorités locales et nationales, la contamination rimant à leurs yeux avec homosexualité, sujet plus que tabou en Chine, surtout pour les hommes, un fils pédé étant considéré comme un maudit, incapable de procréer.
Le récit cadre avec pudeur des gens simples, ouvrier·es, paysan·nes, malades ou ayant perdus des proches. Il ne s’agit évidemment pas de les accabler pour leur “irresponsabilité”. Dans ces régions démunies, le don de son sang était payé l’équivalent de 7 euros, soit pour beaucoup le montant d’un salaire. Les autorités chinoises finir par s’intéresser à la curiosité de Frédéric Chaudier et de son équipe qui fut contrainte de décamper au plus vite.
La responsabilité des politiques de santé publique en question
Même sinistrose en Russie où, tout en “combines”, le cinéaste a pu rencontrer de très courageux·ses militant·es qui tous et toutes témoignent de la même catastrophe orchestrée par le gouvernement de Poutine : l’élimination du sida par l’éradication de celles et ceux qui en sont porteur·ses. Amendes, prison, refus de soins. Du côté des démocraties, Révolution SIDA interroge aussi certains manquements dans les politiques de santé publique, en France ou aux États-Unis, et moult ambiguïtés sur le rôle des grands laboratoires pharmaceutiques.
Un documentaire toujours d’actualité
Le documentaire a été achevé début 2020. Son actualité reste pourtant absolue car, depuis, notamment en Russie, la situation empire : le 24 novembre dernier, une nouvelle loi, durcissant celle de 2013 qui prohibait la “propagande” LGBTQIA+ auprès des mineur·es, interdit désormais de “faire la promotion de relations sexuelles non-traditionnelles” dans les médias, sur le Net, dans les livres ou les films. Non-traditionnelles ? L’euphémisme est doux, mais la conséquence est plus que dure. Comme le disait un slogan d’Act up : “Silence=Mort”. Révolution SIDA nous parle.
Révolution SIDA de Frédéric Chaudier, en salle le 30 novembre.
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