Santiago de Cuba. Découverte posthume de Santiago Alvarez : entre la virtuosité du cinéma soviétique et les fulgurances de Godard. Ironie du sort : le cinéaste cubain Santiago Alvarez est mort quelques jours avant la rétrospective de ses courts métrages au festival du film court de Pantin. Hommage posthume, donc, à ce cinéaste original et […]
Santiago de Cuba. Découverte posthume de Santiago Alvarez : entre la virtuosité du cinéma soviétique et les fulgurances de Godard.
Ironie du sort : le cinéaste cubain Santiago Alvarez est mort quelques jours avant la rétrospective de ses courts métrages au festival du film court de Pantin. Hommage posthume, donc, à ce cinéaste original et engagé, artiste inspiré de la propagande au sein de l’Institut du cinéma cubain. Né en 1919, Alvarez fut journaliste de cinéma, puis directeur des actualités filmées après la révolution castriste de 1959. S’improvisant réalisateur à 40 ans, il se révéla presque aussitôt un maître du montage, combinant les influences du montage dialectique des grands aînés soviétiques et une technique de collage proche du pop-art américain.
Alvarez triture le réel, amalgame films, photos, textes et dessins, sans jamais recourir au palliatif lénifiant du commentaire ; ses bandes-son, aussi incisives que ses images, juxtaposent musique classique, ethnique et pop.
Quand il s’attaque aux USA, cible numéro 1 de Cuba, Alvarez s’avère extrêmement satirique. Ainsi dans L.B.J. (1968), il représente le Président Lyndon Johnson comme un guerrier du Moyen-Age. Le film associe implicitement Johnson, principal artisan de la guerre du Vietnam, aux assassinats politiques américains des années 60 (Luther King, les Kennedy). Mais ce n’est rien à côté de La Estampida (1971), sur l’invasion américano-saïgonaise du Laos en février 71. Dans ce film-tract très bref, scandé par les protest-songs pacifistes de Country Joe et l’hymne yankee version Hendrix, Richard Nixon est comparé à un chimpanzé par le biais du montage, puis, dans un dessin animé, à un cowboy et à un pirate à croix gammée. Cela s’intercale avec des images de combat, titres de journaux, chiffres, slogans, et constitue un ensemble rythmé qui prolonge hardiment les expériences cinétiques d’Eisenstein, et bien sûr de Vertov, inventeur du cinétract.
Graphiste extraordinaire, Alvarez est aussi un authentique documentariste. C’est flagrant dans Hanoi, martes 13 de diciembre, sur le premier bombardement américain d’Hanoi, vu pour une fois du côté des victimes. Le film décrit d’abord le cycle alimentaire des Vietnamiens, avant de montrer ce peuple simple et industrieux « qui vit de poisson et de riz », frappé par l’hystérie meurtrière des USA ; les paysans ripostent aux bombardements depuis les rizières puis continuent à labourer avec leurs buffles. La destruction d’Hanoi, les scènes d’exode ressemblent étrangement à celles de Ciclon (1963), où le cinéaste filme avec une grâce infinie le désastre humain provoqué par le passage d’un cyclone sur Cuba. Alvarez fut de tous les combats tiers-mondistes on verra à Pantin son témoignage sur le coup d’Etat chilien dont il rendit compte avec un langage filmique percutant et une audace plastique à méditer par tous les cinéastes actuels.