A la Cinémathèque française, rétrospective von Sternberg, cinéaste dont l’art affolant du gros plan métamorphose chaque chose, visage ou objet, en représentation du sexe.
C’est une certaine qualité de silence qui accompagne les films de Josef von Sternberg : silence entendu des regards de ceux qui se savent mutuellement désirés, silence également devant l’apparition d’une actrice, Marlene Dietrich, qu’il révéla en 1930 dans L’Ange bleu et avec qui il tourna sept chefs-d’œuvre.
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De cette poignée de films tournés avec sa muse, on pourrait ne voir que des prétextes à faire apparaître Dietrich : qu’elle soit déguisée en homme (Morocco) ou qu’elle se révèle derrière le costume d’un gorille (Blonde Vénus), Sternberg est le cinéaste hollywoodien qui aura le mieux confondu l’entrée d’un acteur avec un tour de magie.
Un mélange tourmenté de fascination et de cruauté
Et, tel un magicien s’acharnant sur sa partenaire, le réalisateur ne cessa de filmer son actrice avec un mélange tourmenté de fascination et de cruauté. A la fascination correspondraient les innombrables et inoubliables gros plans extatiques qu’il lui consacra, le plan devenant ainsi une zone paradisiaque et autonome, un refuge coupé du monde et traversé par quelque chose que le mot érotisme suffit à peine à qualifier : à ce moment-là, c’est le sexe qui surgit, tout simplement. A la cruauté, une certaine façon de faire payer leur trop grande liberté aux héroïnes qu’elle incarna : demi-mondaine, espionne, meneuse de revue, aventurière, impératrice ambitieuse se débattant dans un monde d’hommes.
https://youtu.be/UVoZcVgYUoM
On aima dire de Dietrich qu’elle était la quintessence de la femme fatale mais c’est oublier qu’à chaque fois son masque tombe pour révéler, derrière le glamour, une réelle demande d’amour et une vertigineuse capacité à se perdre et à se consumer dans la passion amoureuse.
Affirmation et abandon de soi, virilité et fragilité, masculin et féminin
Chez Sternberg, Dietrich fut certainement l’actrice totale, dans cette façon de concilier affirmation et abandon de soi, virilité et fragilité, masculin et féminin, masque et nudité, comme si toutes ces oppositions se réconciliaient en elle, faisant de Dietrich une figure totalement intenable ; c’est le propre de l’apparition que de s’évanouir.
Jusqu’au 2 octobre, la Cinémathèque française de Bercy consacre une rétrospective intégrale au réalisateur austro-américain accompagnée de deux conférences : l’occasion de découvrir ou redécouvrir les chefs-d’œuvre avec Marlene, les films pour la plupart totalement introuvables de la période muette ou encore les pépites de fin de carrière que sont Fièvre sur Anatahan et Jet Pilot, mais aussi et surtout, de voir le visage de Marlene comme il se doit d’être vu : sur un très grand écran.
Rétrospective Josef von Sternberg, jusqu’au 2 octobre, Cinémathèque française, Paris XIIe
cinemathequefrançaise.fr
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