A l’occasion du centenaire de sa naissance, six films du cinéaste ethnologue ressortent en salle. Retour sur une œuvre entre cinéma-vérité et anthropologie visuelle.
Malgré quelques prix importants (Lion d’or, Prix Louis-Delluc et Grand Prix de la Semaine de la critique), les films de Jean Rouch ont toujours été entourés d’un voile de confidentialité. Ils s’échangeaient comme des perles rares au sein d’un cercle restreint d’amoureux de son cinéma anthropologique.
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Ces adeptes ne voyaient dans le plus populaire Chronique d’un été (1961, coréalisé avec Edgar Morin) que la version édulcorée d’un cinéma qui prendra toute son ampleur formelle en se délocalisant en Afrique.
Une fascination pour la culture africaine
Né il y a exactement 100 ans, Jean Rouch est d’abord ingénieur des Ponts et Chaussées affecté au Niger. Il y développe une fascination pour la culture africaine. De retour en France, il suit des cours d’ethnologie et effectue une série d’expéditions, accompagné le plus souvent d’une caméra à l’épaule, en équipe réduite, quelque fois même sans prise de son.
En quelques dizaines de courts métrages, il affirme un style propre qui en fait, aux côtés des Flaherty, Vertov, Marker, Depardon et Wiseman, l’un des grands inventeurs de forme documentaire. Mélangeant sans cesse aspects réels et fictionnels, faisant ses films au jour le jour et partageant le pouvoir de la mise en scène avec les sujets filmés, sa méthode de cinéma direct parvient à capter au plus près les palpitations de la vie.
Qu’il s’intéresse à l’arrivée d’une jeune et belle Française dans une classe d’Abidjan (La Pyramide humaine, 1961), à la chasse au lion (La Chasse au lion à l’arc, 1967) ou à un jeune Africain venu observer les HLM français dans le but de les reproduire dans son pays (Petit à petit, 1971), son cinéma donne la fugace et jouissive impression d’une œuvre qui se met à nu, dévoilant son processus de fabrication, remettant sans cesse en question la position de celui qui regarde.
Un précurseur de la Nouvelle Vague
Cette caractéristique brechtienne de son cinéma en fait également l’un des précurseurs de la Nouvelle Vague. Godard vouait d’ailleurs un culte à Moi, un Noir (1958), un film qui, tout comme son moyen métrage Les Maîtres fous (1955), fit scandale par sa critique du colonialisme.
Cinéaste politique, formaliste et ethnologue, Jean Rouch était aussi un conteur. Ses films sont emprunts d’un humour badin et du plaisir de la narration. En plus de son activité de réalisateur, cet orateur-né enseignait à Nanterre, a donné une série de séminaires à la Cinémathèque française et a créé le Grec, un organisme d’aide à la production de courts métrages, et le festival Cinéma du réel. Tous deux existent encore.
En plus des cinq films cités plus haut, la rétrospective en six films qui lui est consacrée sera l’occasion de voir le très rare Jaguar (1954), son premier long métrage, un long walk-movie virtuose, véritable manifeste de son cinéma-vérité.
Rétrospective Jean Rouch, le cinéma vérité en 6 films (La Pyramide humaine ; La Chasse au lion à l’arc ; Petit à petit ; Moi, un Noir ; Les Maîtres fous ; Jaguar)
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