D’abord comédie légère, un drame familial tchékhovien hanté par l’assassinat d’Yitzhak Rabin.
Ordonné autour de l’assassinat d’Yitzhak Rabin par un extrémiste juif, ce film résonne lointainement avec notre sombre actualité. Comme le Yasser Arafat de ces années-là, Rabin était de ces rares leaders d’envergure, un porteur d’espérance, capable de renoncer à l’hubris et d’amener son peuple vers les compromis nécessaires à une paix. Son exécution a inauguré la redescente d’Israël et de toute la région vers un engrenage de ténèbres et de violences, jusqu’au chaos actuel (qui dépasse de très loin l’exigu territoire “palestisraël”).
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Cet événement tragique est la toile de fond d’un film tchékhovien, la réunion de trois sœurs héritant de la maison parentale en Israël, en plein dans la période d’espoir résultant des accords d’Oslo. Les trois sœurs sont bien sûr très différentes : deux vivent en France, l’autre en Israël, l’une est attachée à la “Terre promise”, l’autre à la France et à sa République,la troisième hésitant sur sa place exacte. Ces contrastes de caractère donnent lieu à de belles scènes de discussions et d’engueulades, comme dans toute famille, les affects étant ici mélangés à des considérations existentielles, politiques et métaphysiques.
La mise en scène précise et délicate de Shirel Amitai n’oublie pas que le cinéma passe aussi par un regard sur les gestes, les visages, le rapport à un lieu. Elle montre ainsi une maison gentiment bordélique, des appareils toujours en panne, ou l’une des sœurs qui passe son temps à élaguer frénétiquement le jardin, faute d’avoir mis de l’ordre dans sa tête. Le ton est plutôt à la comédie légère, teintée de questionnements plus profonds, avant de virer au noir quand survient la nouvelle de l’attentat contre Rabin – la scène est superbe, construite avec une voiture, un autoradio, une plage dans la nuit, des lumières vacillantes.
La réussite de ce film tourné vers la paix tient aussi aux superbes comédiennes. Géraldine Nakache prouve qu’elle peut être dramatiquement drôle, Yaël Abecassis possède un port de reine et Judith Chemla confirme son talent aiguisé et coupant. Le genre de film qui réconforte, surtout en ce moment. On a plus que jamais besoin d’intelligence, de beauté et d’ouverture d’esprit.
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