La dixième édition des Rencontres cinématographiques de Dunkerque marquait un tournant dans l’histoire de ce festival qui a connu ses grands moments en compagnie de Monteiro, Kramer ou Sokourov. L’année prochaine, alors qu’une partie de la programmation restera à Dunkerque, la compétition suivra Jacques Déniel, le directeur des Rencontres, au Fresnoy, dans l’agglomération lilloise, où […]
La dixième édition des Rencontres cinématographiques de Dunkerque marquait un tournant dans l’histoire de ce festival qui a connu ses grands moments en compagnie de Monteiro, Kramer ou Sokourov. L’année prochaine, alors qu’une partie de la programmation restera à Dunkerque, la compétition suivra Jacques Déniel, le directeur des Rencontres, au Fresnoy, dans l’agglomération lilloise, où se monte un studio national des arts contemporains qui doit également accueillir une école de cinéma. Dunkerque est un festival dangereux, au relief accidenté voilé par des brumes de vodka, tout en pics et dépressions. Cette prise de risque permanente et parfois casse-gueule, Jacques Déniel l’assume au nom du credo indépendant, et le festivalier aussi, qui accepte de se laisser trimballer d’Espace désolé en Souterrains, dans un voyage angoissant à travers les arsenaux culturels du Pacte de Varsovie, pour avoir la joie de se retrouver rejeté, hagard et émerveillé, encore plus à l’Est, sur les plages nippones. Grains de sable de Ryosuke Hashiguchi et Okaeri de Makoto Shinozaki, qui furent les deux bonnes surprises de la compétition, n’ont, excepté la provenance, que des dissemblances à offrir. Le premier surprend par l’influence taïwanaise subie, quelque part entre Tsai Ming-liang pour les errances solitaires de personnages sexuellement indécis (ce que Jean-Claude Biette nomme « passions singulières ») et Hou Hsiao-hsien pour les échappées vers le Sud,les voyages en train et les relations triangulaires compliquées. Ce film sur la jeunesse japonaise connaît ses faiblesses, ses dérives, mais son côté chien fou l’emporte et suscite l’enthousiasme. Okaeri, film magnifique sur la folie et sur le couple, est nettement plus introverti, et la fixité de ses cadrages, son austérité travaillée, sont ici comme l’équivalent d’un geste tremblé, la manifestation d’une pudeur maladive. Le plus réjouissant de ce festival ne fut pourtant ni dans la compétition ni dans la rétrospective Antonio Reis, mais dans la présentation du dernier travail de l’Italien underground Tonino de Bernardi, Sourires asthmatiques. Ce work in progress sans bande-son mais accompagné pendant la projection par un accordéoniste, une chanteuse et des lecteurs, tourné dans différents pays d’Europe avec un casting international (Lou Castel, Lucas Belvaux, Inès de Meideros…) est un beau film alangui sur la reptation, cette manière émouvante et trop peu usitée de se mouvoir.
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