Égérie impétueuse du cinéma indé à la française (la Fille du 14 juillet, c’était elle), Vimala Pons est cette semaine à l’affiche du beau Vincent n’a pas d’écailles. Cette comédienne formée au cirque, qu’on a aussi vu bondir dans Les Métamorphoses d’Honoré, invente un modèle décoiffant d’actrice-acrobate prêt à envahir une ribambelle de films en 2015. On fait le point avec elle au petit matin, dans une invraisemblable péniche parisienne où elle a élu domicile.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de t’engager dans le projet de Vincent n’a pas d’écailles ?
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De sortie, le court-métrage de Thomas Salvador que j’avais vu avant… (Elle hésite) Non, je te dis n’importe quoi ! C’était en travaillant sur Vous n’avez encore rien vu, l’avant-dernier film d’Alain Resnais. Julie Salvador, la productrice de Thomas, travaillait dessus en coproduction. On s’est rencontrés comme ça. Puis j’ai rencontré Thomas dans un café, un jour où il pleuvait. Il m’a expliqué son projet et j’ai vu son précédent court-métrage, donc, que j’ai adoré. Il y avait une vraie place du corps, une place qu’il voulait lui-même investir… Je crois que c’est toujours la même chose qui me séduit : les gens qui veulent raconter des histoires en utilisant la matière, qui écrivent avec la caméra, avec le montage… Dans De sortie, il y a très peu de dialogue, c’est encore plus radical que Vincent. Ça joue donc sur des choses très ténues et j’aime ça.
Est-ce que ce goût pour les tournages physiques, pour les scènes de cascade de Vincent par exemple, se rapporte à ton travail au cirque ?
Ce sont des pratiques très différentes mais il y a bien quelque chose de commun qui me rend heureuse, oui. La difficulté au cinéma, c’est que ce ne soit pas spectaculaire, sinon on rentre tout de suite dans l’identification d’un acrobate, d’une figure, qui n’a pas sa place dans un film. Dans Vincent je crois qu’il y a très peu de choses comme ça. C’est un entre-deux, un film de héros et un film contemplatif.
Oui, c’est un film de super-héros en vacances… Il y a très peu de dialogues, sauf une scène où tout à coup la parole se met à déferler abondamment : celle où tu le questionnes sur son superpouvoir.
C’est une scène improvisée. On savait que c’était dangereux comme moment, et notamment parce qu’il s’agissait d’un super-héros. Dans l’histoire, c’est le stade inévitable de l’explication, de la mise à plat… On a donc choisi d’improviser pendant un temps assez long, et je posais des questions. Même : j’interviewais. Et j’interviewais plutôt Thomas que Vincent en fait. J’interrogeais le réalisateur sur ce qu’il avait inventé, ce qu’il avait écrit. Une chose similaire m’est arrivée avec Bruno Podalydès, dans son dernier film (Comme un avion, sortie le 10/06), où il joue un rôle de premier plan. L’interaction est complètement différente. Le contact avec le partenaire de jeu s’ancre dans quelque chose de très réel dès lors qu’on sait, et qu’on sent, qu’on est en train de filmer ses obsessions à lui… Le film est une sorte de road trip en kayak existentiel. Le rôle qu’il a écrit est très proche de moi…
Tu tournes actuellement à Paris avec un grand réalisateur américain Paul Verhoeven. Comment vis-tu la différence avec un tournage français ?
Hier, c’était absolument hallucinant. On tournait une grande scène de dîner et il découpait énormément, j’étais stupéfaite. Je devais m’enfoncer un cure-dents dans le palais, dans la scène, un cure-dents qu’Isabelle Huppert m’aurait mis intentionnellement dans mon entremets. Ça faisait un peu pic à glace… Verhoeven est extrêmement présent et détaillé sur le jeu d’acteur. Il donne une quantité très importante d’informations, avant de nous demander de simplement jouer selon notre instinct.
Quelles sont tes envies de cinéma ?
J’adorerais tourner avec Serge Bozon, je crois. Par exemple… Je rêverais de dîner avec Pascale Ogier et Françoise Dorléac. Puis on tournerait ensemble un court-métrage, avec Bozon donc. Et je rêve aussi d’un très beau film sur le cirque. Je suis actuellement en création avec ma troupe (où elle est équilibriste, NDLR), pour un spectacle qu’on interprètera en fin d’année prochaine. Mais le cirque et le cinéma sont frères ennemis depuis très longtemps…
Il y a quand même Chaplin, Fellini…
En fait c’est fou : je lisais que Le Cirque est justement considéré comme le point de bascule d’un vrai divorce entre les deux arts. Alors qu’auparavant, tous les grands comédiens venaient du cirque. Les premiers films parlants étaient extraits de numéros : Le Chanteur de jazz, le burlesque, etc. Ensuite le cirque est devenu au cinéma une espèce de mythologie crasseuse, faite de roulottes, de guirlandes. C’est dommage. Quant à Fellini… Fellini c’est magnifique. La Strada, déjà, est plus forain. Mais Les Clowns c’est magnifique. Jean-Baptiste Thierrée et Victoria Chaplin y ont un passage qui incarne un peu le cirque contemporain, que je regarde tout le temps.
Quels sont les films que tu as envie de voir en ce moment au cinéma ?
Des courts-métrages de gens que j’admire : Notre Dame des hormones de Bertrand Mandico, qui fait tous ses effets spéciaux en tournage ou à même la pellicule, un vrai poète en action… Et Vous voulez une histoire ? d’Antonin Peretjatko, filmé en 16mm pendant son tour du monde. Je veux le voir en salles !
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