Tandis que sort « Paul », son nouveau film, rencontre avec le réalisateur du grandiose « SuperGrave », Greg Mottola.
Greg Mottola est un cas d’école. Quand tant de réalisateurs français rêvent d’Hollywood, lui rêve de France. Etudiant, il lisait les Cahiers du cinéma, voulait être Cassavetes, Woody Allen, Truffaut… Aujourd’hui, il réalise des comédies adolescentes pour Judd Apatow (SuperGrave, Undeclared), Nick Frost/Simon Pegg (Paul), ou pour lui-même (le somptueux Adventureland), variant styles et budgets, se faufilant comme il peut dans les mailles de l’industrie. Auteur frustré ou artisan épanoui ? Rencontre.
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Vous êtes l’auteur des scénarios de deux de vos films (En route vers Manhattan, Adventureland), et les deux autres sont des commandes (SuperGrave, et le tout dernier, Paul). Est-ce très différent pour vous ?
Assez, oui. Ecrire les scénarios de mes films me stimule davantage, d’un point de vue émotionnel, mais me fragilise beaucoup. Je me sens parfois idiot. Je n’ai aucun instinct commercial en tant que scénariste. Je serais par exemple incapable d’écrire un film comme Paul. Alors, quand l’occasion se présente, je vois ça comme un défi, comme l’occasion d’expérimenter des choses, d’avoir des mois de tournage et de postproduction, une armée de techniciens, des effets spéciaux, ce genre de choses dont tous les réalisateurs de films indépendants rêvent.
Il vous a fallu dix ans, après votre premier film, En route vers Manhattan (présenté à la Semaine de la critique en 1996), pour en tourner un deuxième, SuperGrave. Que s’est-il passé entre temps ?
En route vers Manhattan était un tout petit film, produit par mon ami et mentor Steven Soderbergh avec 60 000 dollars. La sélection à Cannes, au lieu de le propulser, a flingué l’exploitation aux Etats-Unis : le distributeur a eu peur et s’est tout simplement désengagé… Le film a tout de même été montré en France, ce dont je suis très fier – je suis d’ailleurs triste qu’Adventureland n’y ait pas été distribué en salle. C’est justement en France, sur la Riviera, que devait se tourner mon second film, une comédie noire. Mais, à quelques mois du tournage, le studio a retiré ses billes, prétextant que le scénario était trop sombre. J’en suis sorti amer. Heureusement, Judd Apatow, qui avait aimé En route vers Manhattan, m’a proposé de tourner des épisodes de sa série Undeclared, en 2000. C’est là, au contact de cette bande d’ados attardés, que j’ai écrit Adventureland, à partir de mes propres souvenirs. Puis Judd et Seth (Rogen – ndlr) m’ont proposé de réaliser SuperGrave, parce qu’ils trouvaient que j’avais un bon feeling avec les jeunes. C’est drôle, car avant de les rencontrer, je n’aurais jamais pensé faire des teen-movies. C’était même contre mes principes (sourires).
Vos comédies sont plus soignées, visuellement, que la plupart des autres. Est-ce là que passe votre personnalité ?
J’essaie en tout cas. Avec Judd Apatow, l’attention est surtout portée sur le scénario, l’acteur, les dialogues. Il vous demande de tout filmer à deux caméras et de multiplier les prises pour construire le film en salle de montage. Le scénario est réécrit en permanence, il faut vite s’adapter. Difficile de faire un film cinematic (« léché » – ndlr) dans ces conditions. Cela dit, dans SuperGrave, j’ai fait au mieux pour imposer ma patte visuelle. J’aimerais tourner un jour avec de grands chefs op : Robert Elswit, Harris Savides, Roger Deakins, Darius Khondji…
La suite ?
J’adapte actuellement un livre, intitulé Important Artifacts, composé uniquement de photos d’objets et de notes intimes, comme un catalogue de vente aux enchères, censé retranscrire la relation amoureuse d’une jeune femme (Natalie Portman) et d’un intellectuel plus âgé qu’elle (Brad Pitt, également producteur du film). Il y aura peut-être des éléments de comédie, mais ce ne sera pas une comédie romantique. Je vais enfin pouvoir parler du monde adulte.
Propos recueillis par Jacky Godlberg
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