Dans on ouvrage érudit, « L’Attrait des miroirs », le critique et théoricien Dominique Païni réfléchit sur les pouvoirs réfléchissants des miroirs au cinéma.
A l’heure où s’ouvre le grand miroir aux multiples facettes qu’est le festival de Cannes, on ne saurait trop conseiller la lecture stimulante du petit livre de Dominique Païni, L’Attrait des miroirs, dans lequel le critique et théoricien mène une réflexion sur les usages du miroir au cinéma.
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Porte d’entrée dans la fiction
Païni pointe en premier lieu le miroir comme porte d’entrée dans la fiction. Prenant appui sur des exemples précis dans Sueurs froides (Hitchcock), Senso (Visconti) ou Madame de… (Ophuls), il remarque comment un reflet de miroir placé en début de film permet de « saisir » le personnage principal et de déclencher le moteur du récit.
Porte d’entrée vers l’autre monde
Le miroir est également un approfondisseur de perspective spatiale, mais aussi temporelle, et c’est là une autre de ses fonctions. L’auteur cite ici les films de Resnais et de Duras, mais aussi la fameuse scène finale de La Dame de Shanghaï (Welles), où les miroirs creusent le temps comme une matière insaisissable, tantôt immobile, tantôt infinie, échappant à la linéarité chronologique du temps réel, déstabilisant justement ce fameux réel. Du réel à l’imaginaire et des vivants aux morts, il n’y a parfois qu’un pas devant un miroir. Païni pointe là un troisième usage des miroirs, celui de porte d’entrée vers l’autre monde. Il cite en exemple les films orphiques de Cocteau bien sûr, mais aussi le Gertrud de Dreyer, ou des œuvres plus contemporaines comme Les Frontières de l’aube de Philippe Garrel ou Lost Highway de David Lynch. Le lien entre Eros et Thanatos étant chose connue, il y a une certaine logique à ce que Païni ai pensé au sexe après les morts. Nul besoin d’aller chercher de multiples exemples dans les pornos, le miroir comme agrandisseur de désir, c’est une fonction décelable aussi bien dans la grande scène de chambre d’A Bout de souffle (Godard) que dans les scènes de couple de Eyes wide shut (Kubrick) ou dans les films de Joseph Von Sternberg avec Marlène Dietrich.
L’introspection
Autre usage du miroir qui renvoie à une fonction très quotidienne que chacun expérimente tous les jours : celui du retour sur soi, de l’introspection. Païni analyse la scène canonique entre De Niro et son reflet dans Taxi Driver (« You talkin’ to me ?! »), mais poursuit sa réflexion à partir de séquences de Fassbinder, Sirk, Le Guépard (Visconti) ou La Sirène du mississippi (Truffaut). « Les miroirs sont des opérateurs de comparaison esthétique, des prétextes d’analyse de films » conclue Païni. Ce qu’il a en effet brillamment démontré tout au long de son ouvrage.
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