Dans un Kenya homophobe, deux étudiantes de Nairobi tentent de vivre leur amour. Le premier film d’une réalisatrice qui revendique une esthétique “fun, féroce et frivole”.
En mai dernier, “Rafiki” faisait souffler un vent de fraîcheur sur le début du Festival de Cannes. Premier long métrage de fiction de la jeune réalisatrice kenyanne Wanuri Kahiu et premier film kenyan sélectionné à Cannes, il raconte l’histoire de deux étudiantes qui tentent de s’aimer contre le consentement de leurs pères politiquement ennemis, mais aussi contre une société kenyanne encore très largement homophobe.
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Dès les premières images, on est saisi par la séduisante esthétique pop du film. On sent une véritable jouissance de la part de la réalisatrice à produire des sortes de chromos qui lorgneraient autant sur les rouages du clip que sur ceux d’Instagram. Cet empressement à se ruer dans une forme d’extrême séduction des codes du contemporain – Wanuri Kahiu revendique une esthétique afro-bubble gum “fun, féroce et frivole” – se double d’une histoire d’amour lesbien qui n’a pas peur de foncer dans les clichés du rendez-vous galant éclairé à la bougie, à l’arrière d’un van, empli de pétales de roses.
Mais que l’on ne s’y trompe pas. Si Rafiki est aussi irrésistible qu’un cookie aux Smarties, la portée du film transcende son apparente légèreté. Derrière ses éclatants effets de charme, il révèle une face sombre que Wanuri Kahiu affronte avec le même volontarisme. Car après avoir célébré les premiers émois amoureux de ses deux personnages de jeunes femmes, la réalisatrice filme la violente répression d’une société kenyanne conservatrice, encore dominée par le patriarcat et la religion.
Au filtre Instagram exaltant la jeunesse de la classe moyenne de Nairobi se substitue un film militant sur les droits des LGBTQI. En plus d’intégrer cette dimension politique à la fois à travers sa thématique et son récit – la romance se déroule sur fond de campagne électorale –, Wanuri Kahiu fait déborder ce combat au-delà de la fiction puisque, face à l’interdiction de son film dans son pays, elle a tout récemment décidé de porter plainte contre le comité de censure kenyan. Sous ses airs de bonbon acidulé, Rafiki porte en lui l’espoir d’un jeune cinéma africain décomplexé et engagé.
Rafiki de Wanuri Kahiu (Ken., Fr., Af. du S., 2018, 1 h 22)
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