Un portrait de la France contemporaine, précaire et réprimée. Un premier film inégal mais prometteur.
Avec ce premier film, Léa Fehner ne manque pas d’ambition. Elle mène non pas un mais trois récits, développés en montage parallèle, et qui finiront par se frôler dans le parloir d’une prison. Soit Stéphane, coursier trentenaire, économiquement et sentimentalement précaire, à qui l’on propose de prendre temporairement la place d’un taulard contre une importante somme d’argent. Soit Zohra, Franco-Algérienne en deuil de son fils et qui cherche à comprendre les circonstances de sa mort. Soit Laure, adolescente bourgeoise et footballeuse, qui s’amourache d’un jeune révolté incarcéré pour trouble à l’ordre public. A travers ces trois histoires s’ébauche un tableau de la France contemporaine, société métissée, fliquée, précarisée, pays en proie à diverses convulsions nées de la crise économique et d’une chape politique répressive. Léa Fehner ne nomme jamais Sarkozy, mais suggère les dysfonctionnements sociaux et l’ambiance maussade du pays par certaines scènes savamment distillées – comme cette expulsion musclée de sans-logis. Par ses choix de casting (des acteurs peu connus mais qui ont des “tronches”), l’âpreté de certaines séquences où ça gueule et ça castagne, un filmage sans fard, le cinéma de Fehner pourrait être estampillé “pialatien”. Mais la réalisatrice tempère son réalisme social brut de brut par des plages plus silencieuses, contemplatives, intérieures, caméra posée, plans composés et musique signifiante, comme hésitant entre deux esthétiques, deux régimes de regard (l’action et la réflexion). Elle a la main parfois lourde dans l’expression de la mouise de ses personnages : trop de larmes, trop de cris, trop de visages affligés, cela peut parfois confiner au dolorisme. Il y a aussi un côté besogneux dans la façon de réunir les trois récits et de boucler le film : conclusion scénaristiquement scolaire, direction d’acteurs pesamment psychologique, brin de complaisance dans la façon de différer plus que de raison un dénouement que l’on sent venir. Si elle n’évite pas toujours le chantage au sujet lourd et certaines redondances entre le “vouloir dire” et les effets appuyés de mise en scène, Léa Fehner montre un tempérament, une vraie ambition dramaturgique et un certain sens du casting. Des garçons comme Reda Kateb ou Vincent Rottiers confirment ici leur talent et leur capacité à imprimer un écran.
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