Placardisé pour le marché vidéo, le troisième volet de la franchise chippendale se vautre dans un scénario de télé-crochet “disneyisant” qui fait honte à ses prédécesseurs.
Les troisièmes épisodes sont toujours les moins bons. C’est une vieille loi d’airain hollywoodienne, mais qui d’une part n’est pas toujours vraie (unpopular opinion : Le Parrain 3 est aussi bon que le 2, donc meilleur que le premier), et que par ailleurs on imaginait Magic Mike idéalement apte à démentir. Dans la mesure où la trilogie initiée par Steven Soderbergh en 2012 s’est justement très bien épanouie dans la zone impure de la suite négligée et dépourvue de moyens, avec le merveilleux Magic Mike XXL et son espèce d’utopie masculine apollonienne, fauchée comme les blés et libre comme l’air, affranchie de toute structure, n’obéissant à rien d’autre qu’à la morale du plaisir et à la joie d’être beau.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Peut-être cette réussite a-t-elle joué dans le retour de Soderbergh à la réalisation de ce troisième volet, mais on ne s’explique pas comment un cinéaste aussi maniaque a pu s’autoriser un tel bâclage. Magic Mike’s Last Dance retrouve un Mike seul et désargenté, éloigné du strip-tease, et qui va par un concours de circonstances exécuter une “dernière danse” à une riche entrepreneuse en besoin de décompresser (Salma Hayek). La scène suffit à sceller le sort du film, qui y franchit dès sa cinquième minute la frontière ténue mais décisive qui faisait de ses deux premiers volets des chefs-d’œuvre tout en les séparant de très peu du navet : la nuance entre d’une part un érotisme sans réification, attaché à une forme de frontalité dans le regard, et notamment très sensible à la dimension marchande de la danse ; et d’autre part un porno soft sur M6. Salma Hayek ne joue pas comme une cliente, mais comme une bombasse féline ronronnant entre deux coups de reins. On ne sait plus qui loue son corps à qui, le film perd son sens et bascule instantanément dans la vulgarité.
Formatage et stéréotypes
La suite emmène Mike de l’autre côté de l’Atlantique pour diriger un spectacle de strip-tease à West End, où la bourgeoise possède un théâtre et aspire à choquer ses semblables. Soderbergh y déroule une sidérante collection de faute de goûts : voix off pontifiante, dégueulis d’establishing shots couleur locale (bus à impériale, présentoirs de gift shops…) qui sentent plus le catalogue d’images de stock pour reportage d’Antoine de Caunes que le tournage de cinéma… Surtout, le film est étonnamment faible et atone sur le plan des corps et de la musique : Mike ne danse plus (ou plus beaucoup), sa merveilleuse troupe est absente, remplacée par des danseur·euses londonien·nes interchangeables dont Soderbergh ne fait même pas l’effort de tirer des personnages.
Tout ce qui faisait la texture sensible, vivante et renoirienne des deux premiers volets et surtout du second est ici étouffé par un formatage saturé de stéréotypes dévitalisés sortis du pire téléfilm Disney (la haute société cul pincé, la fille ado, le valet bougon…). C’est bien le drame : ce monde de séduction tarifée, de corps achetés, cet empire du faux avait jusqu’ici été regardé selon la modalité inverse, c’est-à-dire dans une vérité nue et gratuite. Ici plus rien n’est vrai, tout est clinquant, et rien n’est beau.
Magic Mike’s Last Dance de Steven Soderbergh sur Canal VOD
{"type":"Banniere-Basse"}