Un documentaire appliqué pour raconter l’influence de la critique de cinéma américaine Pauline Kael mais au formatage télévisuel trop lisse.
Qui pourrait avoir peur d’un.e critique en 2022 ? Personne ou bien pas grand monde… et certainement pas autant que de la redoutée Pauline Kael. De la critique de cinéma la plus célèbre de l’histoire des États-Unis, notamment connue pour ses écrits hebdomadaires au New Yorker des années 1970 à 1980, le documentaire de Rob Garver se donne pour ambition de révéler sans fard et habituel raccourci, la richesse de son œuvre, entre témoignages de proches, de cinéastes reconnus tels que Paul Schrader, Quentin Tarantino et David O. Russell ou de critiques américains.
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Quand son genre étouffe la critique
L’une des approches les plus pertinentes du film est de raconter sa vie en rappelant la condition féminine dans un milieu intellectuel essentiellement masculin et de sonder la réception du travail de Kael par une étude de la violence des rapports de genre. Au-delà des attaques odieuses de certains auteurs et cinéastes envers la critique, certaines violences sexistes se révèlent également plus insidieusement. Célébré pour la qualité viscérale de ses textes, leur brûlante subjectivité, on a souvent reconnu la grande vitalité des critiques de Pauline Kael mais moins leur acuité analytique. Si l’on reconnaît à l’autrice sa sensibilité, il est difficile pour un grand nombre d’homme de l’époque d’accepter l’idée que les femmes peuvent argumenter et débattre de manière rationnelle.
Faire et défaire
Amoureuse des images, acerbe, parfois cruelle, autant admirée que détestée, le film rappelle le sens de l’intuition de Kael et son attrait pour la modernité : son soutien précoce à la Nouvelle Vague française ou à celles de jeunes auteurs américains présentant leur première œuvre de jeunesse (Steven Spielberg, Robert Altman et Martin Scorsese) mais aussi les erreurs de jugement propres à tout travail de critiques. Bonne ou mauvaise intuition, d’un seul texte, Pauline Kael pouvait aider à la renaissance d’un film (elle défend à contre-courant Bonny and Clyde alors unanimement détesté, entraînant une réévaluation collective de l’œuvre) ou faire plonger un auteur. Lors d’un déjeuner publique, elle dévalue devant lui l’œuvre de David Lean (Lawrence d’Arabie, Le Docteur Jivago) ce qui le forcera à arrêter définitivement le cinéma.
Malgré toute son application documentaire, la forme, elle, est à la peine, répondant à un formatage trop sagement télévisuel. Et lorsque le cinéma surgit à l’aide d’extraits de grand classiques, il est étonnant que ces images soient réduites à leur simple fonction illustrative. Pour un film qui veut célébrer la valeur sacré du cinéma et le primat de l’image, c’est un peu limité.
Qui a peur de Pauline Kael ? de Rob Garver, en salle le 16 novembre.
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