Deuxième fournée de la franchise passée maître dans l’art un peu dégoûtant de fédérer en masse tout en faisant l’apologie de la division. Une lobotomie déguisée en comédie.
C’est peut-être le film le plus prévisible, le plus chargé d’à priori à l’agenda du cinéma hexagonal. Qu’est-ce qu’on a encore fait… , un titre à rallonge autour duquel volettent les millions (d’euros au budget, de tickets vendus, etc.) et qui est synonyme d’un programme cadré d’avance : un monument à la gloire du racisme bien de chez nous, conçu comme un billard à quatre bandes délimité par le Juif, l’Arabe, le Noir et l’Asiatique. Au centre, celui que le box-office 90’s a élevé au rang d’emblème de la réaction nationale : Christian Clavier.
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Pourtant cette suite n’est pas exactement celle qu’on attendait. Le trailer décrivait une tentative par les époux Verneuil de faire renaître l’amour de la France (visites des vignobles chinonais, des châteaux de la Loire – la région Centre a mis un peu de fric, non ?) à leurs gendres soûlés par la Gaule, et résolus à s’en exiler. Soit u ne version ciné du « tu l’aimes ou tu la quittes ».
Le résultat est plutôt un feuilleté d’intrigues , mêlant celle-ci à un nouveau mariage difficile à avaler – la belle-sœur africaine veut épouser une femme au grand dam de ses parents, qui revivent donc leur propre spin-off du premier opus – ainsi qu’à une resucée d’A bras ouverts, autre film de Philippe de Chauveron – les Verneuil hébergent à contrecœur un réfugié irakien. Le résultat est assez branlant et le racisme, bien sûr, est partout : dans chaque moue, chaque réplique, chaque scène.
Mais pourquoi s’ennuyer à le constater? Le racisme de Chauveron n’est pas une sortie de terrain:c’est simplement ce qu’on attend de lui. Enchaîner les « dérapages » xéno soigneusement contrôlés n’est que sa façon d’honorer scrup uleusement le cahier des charges, conformément à l’affreuse morale du premier volet : rien ne rassemble mieux la France que ses haines intestines.
De toute façon, on a moins un problème avec le fait que le film soit raciste qu’avec le fait qu’il ne soit pas drôle. À l’instar de la scène shortcorn hertzienne (Scènes de ménages et consorts) , l’hum our de Qu’ est-ce qu’on a encore fait… est une lobotomie: un catalogue de molles situations réchauffées, une zone de confort soigneusement ratissée, que le public arpente plus par goût de la familiarité sympa thique que du rire franc. On n’est pas là pour être surpris, électrisé, saisi par un gag, mais pour s’endormir dans un répertoire de scènes précuites, déjà connues .
Alors bien sûr, on sait à quelle France on appartient a priori : qui s’étonnera de voir Les Inrocks dégommer Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu? Personne, et c’est bien ce qui est dommage. Protégé par le triste cliché qui voudrait que les comédies populaires s’adressent à une moitié de France tout en servant de repoussoir à l’autre, Chauveron répète dans son plan de sorties en salle le maître-mot de son œuvre : l’apo logie de la division. Comme l’impression qu’il n’y a pas plus infect quand on se revendique rassembleur : et si c’était ça, ce que t’avais fait au bon Dieu ?
Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu ? de Philippe de Chauveron (Fr., 2019, 1h39)
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