Quels sont les films à aller voir, ou pas, ce week-end ? Pour en avoir un indice, voici l’avis de nos critiques.
La Flor de Mariano Llinás
Avec Elisa Carricajo, Valeria Correa, Pilar Gamboa, Laura Paredes
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Un film de momie féministe, un mélodrame musical sur le couple et l’immortalité, un titanesque et tintinesque film d’espionnage, une comédie autoréflexive avec un cinéaste et des sorcières, un remake muet d’un célèbre film français, et enfin une sorte de western élégiaque : voici tout ce qui compose La Flor. Certes, il faudra parfois s’armer de patience, accepter les pirouettes rythmiques imposées par l’Argentin, qui n’aime rien tant que la digression et la répétition ; il faudra surtout aller jusqu’au bout, tout au bout du générique démentiel de vingt-cinq minutes, peut-être le plus long et le plus beau de l’histoire du cinéma (sans rire). Et c’est seulement à ce prix (tout à fait raisonnable, moins chronophage, par exemple, qu’une saison de Lost) que chacun pourra recueillir le nectar divin capable de réveiller cette vieille baderne qu’on appelle cinéma.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Jacky Goldberg.
Le mystère Henri Pick de Rémi Bezançon
Avec Fabrice Luchini, Camille Cottin
Une éditrice découvre et publie le manuscrit d’un pizzaïolo breton décédé qui devient un succès de librairie, mais un critique star veut démasquer ce qu’il estime être une supercherie. Le film de Rémi Bezançon adapté des intrigues grossières de David Foenkinos s’épuise à mettre de la vitesse et du spectaculaire dans la bibliophilie, et se perd dans les pires caricatures de cet univers. A commencer par sa vision de ce qui fait un bon livre, voire de ce qui fonde le talent : le secret, le croustillant, la story et les révélations.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Théo Ribeton.
Sibel de Guillaume Giovanetti et Çağla Zencirci
Avec Damla Sönmez, Emin Gürsoy, Erkan Kolçak Köstendil
Sibel (Damla Sönmez, révélation du film) est une jeune femme muette (mais sachant siffler). Sa communauté la rejette à cause de son handicap et de son comportement d’amazone, plus désireuse de rôder en forêt que de se trouver un mari. C’est pourtant là qu’elle capture un jour un fuyard qu’elle protégera de la traque menée contre lui. Partant d’un fascinant particularisme ethnologique pour aboutir à une subtile fable d’affranchissement, Sibel tient son pari d’équilibriste entre fiction et documentaire avec une maîtrise, une harmonie et une grâce prodigieuses.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Bruno Deruisseau.
Les Etendues imaginaires de Siew Hua Yeo
Avec Xiaoyi Liu, Peter Yu, Jack Tan
Wang, jeune ouvrier chinois travaillant sans relâche sur un chantier d’aménagement du littoral destiné à étendre la superficie de Singapour, a mystérieusement disparu. L’inspecteur Lok le recherche. L’enquête n’est-elle qu’un songe ? La vie de Wang n’est-elle que le fruit de l’imagination du flic ? Les deux hommes sont-ils la même personne ? Impossible de savoir, tant le film égrène avec virtuosité des indices épars et contraires pour former une entêtante ronde mélancolique que chaque personnage rêve de fuir.
Film noir et histoire d’amour, doux cauchemar et trip hallucinatoire, Les Etendues Imaginaires acte indiscutablement la naissance d’un cinéaste doué et prometteur.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Marilou Duponchel.
Bêtes Blondes d’Alexia Walther et Maxime Matray
Avec Thomas Scimeca, Basile Meilleurat, Agathe Bonitzer
Beaucoup de têtes se perdent, dans ce premier long métrage : il y a d’abord celles décrochées de leur corps après des accidents, et qui ne cesseront dès lors de hanter ceux qui les aimaient ; puis celle du personnage principal, Fabien (le génial Thomas Scimeca) dont la mémoire défaille à cause d’un mauvais métabolisme des vitamines C ; et enfin celles des spectateurs, qui devront accepter d’être largués dans le labyrinthe de signes et de blagues conçu avec soin par la paire de cinéastes. Le film n’est cependant pas que drôle : Bêtes blondes parvient à émouvoir dans son dernier mouvement, lorsqu’il se dépouille de ses apparats burlesques pour plonger dans la mélancolie – tête la première, corps encore sur le bord.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Jacky Goldberg.
Exfiltrés d’Emmanuel Hamon
Avec Swann Arlaud, Finnegan Oldfield, Jisca Kalvanda
Il faut du courage pour se frotter à la terreur islamiste, qui brûle les doigts de notre cinéma. Conservons cela au crédit de ce premier film qui s’attaque à un double récit touchy : celui d’une jeune mère fraîchement convertie, partie pour Rakka (Syrie) et celui de sa tentative d’exfiltration. Exfiltrés n’a certes pas les épaules pour se hisser au niveau de la grande fiction contre-terroriste espérée depuis quelques années. Il est néanmoins une tentative plus qu’honorable : l’ébauche d’une quotidienneté de chaque camp, d’un trombinoscope d’agents, de passeurs, de soldats, d’âmes perdues, formant un (sinon le) grand sujet de notre temps qui finira bien, espérons-le, par accoucher d’une œuvre à sa mesure.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Théo Ribeton.
Dans les bois de Mindaugas Survila
Dans les bois est le contre-exemple parfait du documentaire animalier spectaculaire. Ici, ni voix off ni musique mais, pendant une heure, une promenade saisissante et immersive dans l’intimité des dernières forêts primaires de la Baltique, peuplées de loups, caribous, aigles, araignées, serpents et biches. C’est un film où l’on observe le règne animal plus qu’on ne l’instrumentalise, qui en amplifie la beauté sans la dénaturer. Plastiquement superbe et débarrassé de tous les écueils du genre, Dans les bois est un documentaire animalier d’auteur des plus réussis.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Bruno Deruisseau.
Stan et Ollie de Jon S. Baird
Avec Steve Coogan et John C. Reilly
La qualité première du film est sa modestie, cette façon de filmer à la bonne hauteur et au bon tempo le come-back de Laurel et Hardy : une tournée théâtrale, en 1953, d’abord provinciale puis triomphale, censée préfigurer un renouveau cinématographique, qui hélas ne viendra pas et scellera la fin (professionnelle) du duo, interprété par Steve Coogan et John C. Reilly. Ces derniers constituent à l’évidence l’autre qualité du film, chaque acteur parvenant à se fondre dans son personnage sans y disparaître complètement – une revigorante placidité de jeu qui devrait servir de modèle à toutes les bêtes hystériques de biopic.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Jacky Goldberg.
Maguy Marin : l’urgence d’agir de David Mambouch
Avec Maguy Marin
Il y a les visages, presque sculptés par le temps, de May B, chef-d’œuvre de la chorégraphe Maguy Marin qui ouvre ce documentaire. Puis les autres, comme la propre mère de Maguy ou celui de Lia Rodrigues, la complice de Rio de Janeiro. Maguy Marin : l’urgence d’agir est tout entier traversé de regards et de colère. Sans sombrer dans l’hagiographie, le film de David Mambouch, son fils, saisit la révolte contre les corps formatés de la danse, l’insoumission, le rôle de l’artiste dans une société en perte de repères. De Mitterrand à Sarkozy, d’un siècle à l’autre, la danse de Maguy Marin accompagne dans un même élan les soubresauts de notre époque.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Philippe Noisette.
On ment toujours à ceux qu’on aime de Sandrine Dumas
Avec Monia Chokri, Jérémie Elkaïm, Marthe Keller
Visant la fraîcheur un peu éculée maintenant du “feel-good-road-movie-sundancien-post-Little-Miss-Sunshine”, le film laisse une sensation de déjà-vu permanent, comme une compilation en images de toutes les séquences prototype du genre. Le sauvetage de ce projet surcalibré aurait pu alors surgir de sa distribution. Mais si le trio Jérémie Elkaïm, Marthe Keller et Fionnula Flanagan se révèle impeccable, Monia Chokri, éblouissante excentrique chez Dolan, force à outrance l’extravagance de son personnage de rockeuse-loseuse et compose une pile électrique en survoltage, plus irritante que touchante.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Ludovic Béot.
The Wife de Björn Runge
Avec Glenn Close, Jonathan Pryce, Christian Slater
Grande favorite pour le prix de la meilleure actrice aux derniers oscars, Glenn Close (impeccable) incarne Joan, épouse et femme de l’ombre du célèbre écrivain Joe Castleman (Jonathan Pryce). Le couple attend fébrilement l’heureuse nouvelle d’un prix Nobel de littérature qui tombe au petit matin. Excités comme des enfants, Joan et Joe font leurs bagages et se rendent en Suède pour un séjour qui finira par être fatal à leur couple. Si la première partie de The Wife documente avec un regard affûté le quotidien d’un vieux couple et l’exaspération grandissante de Joan, il faudra attendre la deuxième partie pour que tout ce patient travail d’observation soit tout simplement sapé par une succession de retournements aberrants.
{"type":"Banniere-Basse"}