Quels sont les films à aller voir, ou pas, ce week-end ? Pour en avoir un indice, voici l’avis de nos critiques.
Les Eternels de Jia Zhang-ke
Avec Zhao Tao, Fan Liao
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Qiao (Zhao Tao, peut-être plus grande actrice d’Asie), âme perdue, gravite autour d’une petite bande de gangsters, crapules minables d’une ville minière du centre du pays dont ils vont devenir peu à peu les caïds. A cette ascension, elle ne sera pas conviée : un sacrifice de sang l’emmène à la case prison, où elle paiera silencieusement le prix de son amour avant de trouver, à sa sortie, un monde qui l’a oubliée et ne veut plus d’elle. Avec Au-delà des montagnes, Jia Zhang-ke signait en 2015 une fresque familiale soumise aux bouleversements économiques, géographiques, culturels, dont les personnages risquaient parfois de ployer sous le poids de l’allégorie. Dans Les Eternels, qui répond à la même logique chronologique, il s’arrache à cette tentation programmatique, et renoue avec ce qui fait au fond la beauté de ses grands films : malgré la démesure, ils restent humains et déchirants.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Théo Ribeton.
Celle que vous croyez de Safy Nebbou
Avec Juliette Binoche, François Civil, Nicole Garcia
Adapté du roman de Camille Laurens paru en 2016, Celle que vous croyez raconte l’étrange dégringolade psychique d’une prof de 50 ans, mère et divorcée (Juliette Binoche en feu), après s’être éprise d’un jeune homme sur Facebook auquel elle a fait croire qu’elle était une nymphette de 20 ans. Cinéaste un peu insituable, Safy Nebbou (Dans les forêts de Sibérie, L’Autre Dumas) gagne en aplomb avec ce sujet, et campe d’abord une romance torride à travers un ingénieux dispositif de voix pour ensuite s’aventurer sur la piste d’une fiction à tiroirs ultra habile scandée par une série de twists vertigineux.
Retrouvez l’intégralité de la critique d’Emily Barnett.
Marie Stuart reine d’Ecosse de Josie Rourke
Avec Saoirse Ronan, Margot Robbie
A 18 ans, la déjà veuve Marie Stuart quitte la France et revient sur ses terres écossaises pour prétendre au trône qui lui revient de droit. Alors qu’il détenait la richesse dramaturgique pour se positionner en héritier de Game of Thrones, Marie Stuart fuit volontairement ce modèle. Ce qui semble intéresser sa réalisatrice, Josie Rourke, ne se trouve ni dans la complexité d’un récit de trahisons, ni dans ses rares scènes d’action. L’enjeu du film tient dans son obstination à insuffler un discours progressiste pro-LGBT et post-MeToo dans un Moyen Age patriarcal rongé par l’obscurantisme religieux.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Ludovic Béot.
Casting de Nicolas Wackerbarth
Avec Andreas Lust, Judith Engel, Milena Dreißig
À une semaine du début de tournage d’un remake adapté des Larmes amères de Petra von Kant de Fassbinder, la réalisatrice Vera peine à finir son casting. Gerwin, un acteur, est lui engagé bénévolement pour donner la réplique lors des différentes auditions.Tout à la fois léger et grinçant, drôle et touchant, le film suit la progression en miroir de ces deux personnages écorchés, victimes de la violence du regard et du langage dans ce petit théâtre féroce que peut être le plateau de cinéma. Sans jamais trop les surligner, Casting témoigne de ces humiliations du quotidien et réinvestit habilement les motifs sadomasochistes déjà présents dans l’œuvre originale de Fassbinder, qu’il déplace ici sur la figure de l’acteur.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Ludovic Béot.
Jeune bergère de Delphine Détrie
Stéphanie est bergère depuis peu. Son entreprise faite de quelques brebis est encore fragile mais sa volonté est grande. On aurait pu suspecter Jeune bergère de n’être qu’une ode à la nature un brin formatée. Mais il n’en est rien. Delphine Détrie, dont c’est le premier long métrage, préfère, au portrait psychologisant d’une reconversion professionnelle, celui physique d’une débutante en plein apprentissage. Modeste et touchant, c’est surtout quand il pose sa caméra au milieu d’un vaste champ et s’accorde au temps de sa travailleuse et de ses compagnons duveteux que Jeune bergère se fait le plus passionnant.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Marilou Duponchel.
Wardi de Mats Grorud
“On n’est rien quand on ne connaît pas son passé.” A partir du moment où le grand-père de Wardi lui assène cette phrase, cette fillette de 11 ans n’aura de cesse d’interroger les membres de sa famille pour savoir qui elle est et ce qu’elle fait dans ce camp de réfugiés palestiniens installé à Beyrouth depuis l’exode de 1948. L’originalité de cette fable intergénérationnelle, tant destinée aux préados qu’à leurs parents, est de mélanger les techniques d’animation. Parfaitement maîtrisé, cet alliage inventif permet à ce premier long métrage du réalisateur norvégien Mats Grorud, de poser avec une rare force son sujet sous-jacent, à savoir le rapport entre l’écoulement du temps, la mémoire et l’espoir.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Bruno Deruisseau.
Santiago, Italia de Nanni Moretti
Santiago, Italia, c’est donc la version Nanni Moretti du Chili sous le président de gauche Salvador Allende, celle du coup d’Etat de Pinochet en 1973. Même si les témoignages d’artistes, d’intellectuels plus ou moins connus, corroborent tout ce que nous savons tous, hélas : répression, torture, assassinats, exil pour ceux qui ont réussi à fuir. Dans la dernière partie, un peu maladroite, Moretti nous explique que l’Italie fut le pays qui accueillit le mieux les réfugiés politiques chiliens. C’est assez discutable sur le premier point (d’autres ambassades, comme celle de Suède, furent aussi très actives). Mais peu importe, le spectateur comprend très vite que si Moretti enfonce le clou un peu lourdement, c’est moins par patriotisme que pour rappeler au gouvernement italien actuel qu’il fut un temps où l’Italie savait accueillir les réfugiés, avec hospitalité et honneur, sans barguigner.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Jean-Baptiste Morain.
Escape Game d’Adam Robitel
Avec Taylor Russell McKenzie, Logan Miller
Six personnes sont invitées par une mystérieuse société à venir tester un escape game révolutionnaire. Surprise, le jeu d’évasion grandeur nature s’avère être un guêpier mortel, et ses six participants devront ruser pour échapper aux pièges sadiques conçus par leurs énigmatiques tortionnaires. Vaine émulation des films ayant fait de huis clos inextricables un sous-genre cinématographique bankable – Cube en ligne de mire – , Escape Game rejoue paresseusement toutes les situations limites qu’occasionne son dispositif resucé, suivant scrupuleusement un cahier des charges amidonné.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Léo Moser.
Les Amants du Capricorne d’Alfred Hitchcock
Avec Ingrid Bergman, Joseph Cotten
Ingrid Bergman incarne lady Henrietta, femme sous influence, fébrile, alcoolisée, de mauvaise vie. A peu près le rôle qu’elle tenait déjà dans Les Enchaînés, celle d’une pécheresse et d’une sainte, mélange improbable de Jeanne d’Arc et de Mata Hari, perdue dans un monde d’hommes comme dans un labyrinthe dont il faut s’extirper. Ce “grand film malade”, comme disait Truffaut, et qui fut le plus gros échec de la carrière de Hitchcock, est l’écrin d’un récit secret, qui aujourd’hui saute aux yeux. Si on gratte le vernis du film ingrat à costumes, si on regarde derrière cette histoire d’amour et de vampirisme où chaque être est hanté par un autre, se révèle l’histoire d’un visage.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Murielle Joudet.
Paris est à nous d’Elisabeth Vogler
Avec Noémie Schmidt, Grégoire Isvarine
Le moteur du film est composé d’images déambulatoires dans Paris, qui mettent en parallèle les troubles existentiels d’une jeune femme (valant pour métonymie de sa génération) et la stupeur qui saisit la capitale française après les attentats de 2015. Sa trame tient en quelques mots, él.més mais nullement épuisés par un siècle de cinéma : une fête, girl meets boy, l’amour fou, la distance, les doutes, un accident… Tourné sur trois ans (2014-2017), sans argent ni autorisation (mais une postproduction financée par une campagne de crowdfunding ayant rapporté plus de 90 000 euros – un record), avec une petite caméra, Paris est à nous pourrait rappeler Donoma de Djinn Carrénard s’il n’en prenait l’exact contrepied esthétique. Parfois maladroit mais jamais avare, Paris est à nous est d’abord une fête des sens, un grand bain sensuel, une belle promesse.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Jacky Goldberg.
Apprentis parents de Sean Anders
Avec Mark Wahlberg, Rose Byrne, Octavia Spencer
Un couple, Ellie (Rose Byrne) et Pete (Mark Wahlberg), adoptent deux sœurs (dont une ado de 15 ans) et un frère, et vont subir les nombreuses difficultés et tensions que provoque cette nouvelle parentalité. Mais ce n’est pas tant l’art de la rupture de ton du film, habile mais assez classique, qu’il faut souligner mais plutôt son jusqu’au-boutisme assumé qui n’éprouve aucune crainte à passer d’une situation grotesque à un dialogue gonflé de bons sentiments. Il est un peu tôt pour s’avancer mais ce cinéma-là, lorsqu’il est dans sa meilleure forme, attachant, drôle, réfutant le cynisme, peut espérer marcher un jour sur les traces des maîtres Judd Apatow ou James L. Brooks.
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