Rossellini, Miyazaki et Godard sont au programme de ce début d’année.
Stromboli de Roberto Rossellini (1950)
En 1948, Ingrid Bergman, fervente admiratrice du réalisateur de Rome, ville ouverte, lui écrit une lettre pour lui dire “Ti amo”. Deux ans plus tard, l’actrice se trouve catapultée dans le décor hostile et brumeux des terres volcaniques de Stromboli. C’est la collision entre Hollywood et le nouveau réalisme italien, entre une image cristalline de star et la rugosité intranquille d’une terre éruptive. De cette rencontre des contraires, le cinéaste italien tire un film d’une absolue modernité sur une émancipation féminine filmée comme une force tellurique.
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Ponyo sur la falaise d’Hayao Miyazaki (2009)
Avec Ponyo sur la falaise, Miyazaki nourrit d’une main légère et toujours assurée son important et passionnant corpus attaché à la réinvention de la figure de la jeune femme (Princesse Mononoké) ou de la petite fille (Le Voyage de Chihiro…). Le résultat est un conte d’apprentissage, une petite sirène d’aujourd’hui au charme infini qui reproduit ces miracles dont Miyazaki a le secret : la merveilleuse sensation de voir s’animer sous nos yeux un monde qui s’accorde à nos désirs d’enfants et d’adultes, union et harmonie parfaite des sens, des éléments et des êtres.
Une femme mariée de Jean-Luc Godard (1964)
La même année, François Truffaut et Jean-Luc Godard donnent respectivement leur vision noire et blanche de l’adultère. Une femme mariée met en scène Macha Méril alias Charlotte, dont le cœur balance entre deux hommes. Godard découpe avec sa caméra le corps de son actrice non pas comme un objet inanimé et passif, mais bien comme une présence impossible à réduire à un seul plan. De ce portrait cubiste émane aussi la musique mélancolique d’une jeunesse et d’une époque préférant vivre au présent pour oublier la folie du passé.
Adieu Philippine de Jacques Rozier (1962)
Sorti quelques années après l’avènement de la Nouvelle Vague, Adieu Philippine vient à son tour bousculer les préceptes d’un vieux cinéma – en décembre 1962, les héroïnes Liliane et Juliette s’affichent fièrement en couverture des Cahiers du cinéma sous la bannière Nouvelle Vague. Le film a la fraîcheur des nouveautés qui décloisonnent en bonne et due forme tous les préceptes enseignés (une intrigue buissonnière, la sensation de l’improvisation et de l’instantanéité du moment vécu…). Dans ce portrait d’une France en pleine mutation (l’effervescence de la publicité, la guerre d’Algérie que bientôt Michel devra rejoindre) et d’une jeunesse éprise de danse et de musique, Rozier élabore une mise en scène qui trouve sa maîtrise dans l’aventure de l’accident. Portrait d’une génération, le film épouse le mouvement permanent de ces jeunes cœurs en éveil pour mieux nous faire goûter l’amertume de l’époque.
La Porte du paradis de Michael Cimino (1981)
Film maudit, boudé par la critique et le public, ayant précipité la chute de son auteur Michael Cimino et d’une partie du cinéma indépendant américain de l’époque (la fin de United Artists et avec elle d’une idée du Nouvel Hollywood), La Porte du Paradis a depuis vaincu sa propre malédiction. Ressuscité et délesté de ses vieux démons, le film a depuis été réévalué et encensé comme une révision grandiose de l’histoire américaine, une conquête de l’Ouest plus sanglante que conquérante, remodelée dans un anti-western où la lutte se fait sociale et le désir triangulaire.
90’s de Jonah Hill (2018)
C’est l’annonce d’un film bagarreur : un petit corps, celui du jeune et grand Sunny Suljic, projeté net par un grand frère agressif contre les fines parois d’un appartement. En une séquence d’ouverture, le comédien Jonah Hill débarque en cinéma avec fracas. Le film à la sécheresse généreuse, texturé par la matière du souvenir, fait le récit bien connu de l’adolescence et de ses mutations, mais il opère avec une précision d’écriture et de mise en scène plus que prometteuse, celle qui marque la singularité d’un regard.
Conte d’hiver d’Eric Rohmer (1992)
À chaque saison son conte rohémrien. Si ses intrigues sentimentales ont souvent éclos au contact des rayons du soleil (Le Genou de Claire, Pauline à la plage, Conte d’été…), il a aussi trouvé dans le froid et la neige (Ma nuit chez Maud…) un berceau tout aussi fertile. Conte d’hiver a ceci de particulier qu’il commence comme la fin d’un Rohmer, comme un conte d’été et une histoire d’amour au bord de l’eau déjà arrêtée. Le miracle produit par le film tient alors à ce fil mélodramatique qui croit en la résurrection miraculeuse des êtres aimés par la force de la fiction.
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