Scripte de son état, Marie Vermillard est passée à la réalisation en 1992 avec un court métrage intitulé Reste. Sortent aujourd’hui deux films tournés en 95 et 96, distribués ensemble : Quelqu’un (21 mn) et Eau douce (58 mn). Tous deux se déroulent dans un endroit clos, séparé du monde extérieur salon de coiffure […]
Scripte de son état, Marie Vermillard est passée à la réalisation en 1992 avec un court métrage intitulé Reste. Sortent aujourd’hui deux films tournés en 95 et 96, distribués ensemble : Quelqu’un (21 mn) et Eau douce (58 mn). Tous deux se déroulent dans un endroit clos, séparé du monde extérieur salon de coiffure et péniche et leur action respective est principalement mentale. Dans le petit salon de quartier, un homme vient régulièrement se faire couper les cheveux, durant quinze ans. Marie Vermillard filme, non pas le temps qui passe, quasiment imperceptible, mais les gestes de l’habitude la main du coiffeur qui fait pencher les nuques, manie le ciseau et le miroir, rend le cheveu plus brillant et le côtoiement des deux hommes qui, avec les années, devient une sorte de fréquentation timide et dérisoire. Le client revient ainsi fidèlement, mois après mois, faire rafraîchir sa chevelure par ce coiffeur qu’il a (on imagine) choisi pour sa discrétion et sa réserve. Ce temps qu’il passe à attendre son tour, à observer l’homme à l’ouvrage sur d’autres têtes ou sur la sienne, apparaît comme une parenthèse, une petite halte. La caméra ne quitte pas le salon, enregistre en voix off les pensées éparses du client et se dégage de Quelqu’un une certaine tendresse. Mais alors que la mort va interrompre la relation passive entre les deux hommes, elle va dans Eau douce amorcer le récit.
Dans le but de se supprimer, un émigré russe se jette d’un pont et atterrit dans la cale remplie de sable d’une péniche. Cette intrusion imprévisible va déstabiliser le couple formé par Marianne et Paul, qui avec leur fille Louise ont choisi de vivre en marge au fil des canaux. Le visage de l’étranger va redonner à Marianne le goût de la terre ferme et l’envie de rompre cette existence sans heurts au gré des berges et des écluses. Leur désir réciproque va grandir en silence sous les regards de Paul et Louise, et celui de la caméra sensible de la réalisatrice. Mais l’histoire s’éternise et aurait gagné à être resserrée.
Marie Vermillard a sans nul doute le talent de transmettre sans surligner et celui de choisir ses acteurs (Antoine Chappey et Nathalie Richard), mais elle semble effleurer d’une main douce et lointaine les têtes de ses personnages, alors qu’il serait parfois bon de les bousculer un peu. On aimerait que ses films nous tiennent plus au corps, or elle donne l’impression de tenir sa caméra à distance comme un objet que l’on n’ose encore s’approprier tout à fait.
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