Emmanuel Carrère signe une adaptation réussie du best seller de Florence Aubenas, qui questionne le mensonge propre à l’immersion journalistique.
Dans Le Quai de Ouistreham, paru en 2010 aux Éditions de l’Olivier, Florence Aubenas était entrée dans la peau d’une femme de ménage employée par les entreprises de la région de Caen pour connaître de l’intérieur la vie d’une travailleuse précaire.
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L’adaptation qu’en fait Carrère est très carrèrienne pourrait-on dire (il ne s’en cache pas), puisque l’écrivain parfois réalisateur (il n’avait jusqu’à présent réalisé que deux films, dont un documentaire) tire le sujet sur son propre terrain (qui n’était pas du tout celui d’Aubenas) : celui des rapports ambigus entre le créateur ou la créatrice et les personnages réels qu’il·elle utilise dans ses livres.
Le cœur du récit : la question éthique qu’implique le mensonge fondateur de ce type d’immersion, même bien intentionnée. Et l’on fait nôtre la colère et le chagrin finaux des vraies femmes de ménage quand elles découvrent que leur “amie” était en réalité une écrivaine qui retournera à sa vie parisienne confortable.
La mise en scène de Ouistreham, au-delà d’une description très précise de la pénibilité de ce type d’emploi par ailleurs déconsidéré, repose assez intelligemment sur le contraste entre l’héroïne (la star Binoche, très bien) et les prolétaires, tous·tes interprété·es par des non-professionnel·les, souvent très talentueux·euses, comme Hélène Lambert, qui joue un rôle majeur, et la lumineuse Emily Madeleine.
Ouistreham, présenté en juillet à Cannes en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, réserve des moments très forts, notamment ceux où s’expriment la solidarité et l’amitié entre travailleur·euses en difficulté, qui les aident à rendre supportable un quotidien qui ne l’est pas.
Ouistreham d’Emmanuel Carrère, avec Juliette Binoche, Hélène Lambert, Emily Madeleine, Léa Carne (Fr., 2021, 1 h 47). En salle le 12 janvier.
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