Malgré les diverses turbulences dans lesquelles navigue le festival, on discerne une sélection rafraîchissante et on fait quelques très belles rencontres !
La 49e édition du festival de Deauville s’est déroulée malgré l’absence de nombreuses stars, les invités d’honneur, Nathalie Portman et Peter Dinklage en tête, ayant décommandé leur venue pour témoigner de leur solidarité avec la grève des studios qui a lieu à Hollywood depuis juillet. Malgré quelques séances de films cannois de gala qui tentaient ici et là de redonner un peu de chic à un tapis rouge normand un peu moribond, le cœur du festival, sa Compétition, nous a permis de prendre le pouls d’une Amérique contemporaine à travers une sélection jeune et féminine. Plus de la moitié des films de la compétition étaient réalisés par des femmes, tandis que 9 des 14 films présentés étaient des premiers longs métrages. Si l’ensemble a laissé une impression en demi-teinte, le festival a su se faire le gardien, dix jours durant, d’une grande disparité des genres pour raconter les États-Unis d’aujourd’hui.
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Zoom sur la jeunesse américaine
The Graduates (Hannah Peterson), suit un groupe de lycéens un an après la mort d’un de leurs camarades lors d’une fusillade et, s’il n’évite pas les lourdeurs lacrymales, s’évertue à rendre palpable l’émotion glaçante d’une Amérique figée dans ses traumas. Tout l’inverse de La Vie selon Ann (Joanna Arnow) qui suit les tribulations apathiques d’une jeune new-yorkaise entre métro, boulot et BDSM. Une version de Girls sous anxiolytiques qui s’attache à dépeindre une génération qui peine à jouir mais qui laisse, hélas, plutôt indifférent. Que l’Amérique s’envoie en l’air jusque dans l’espace avec I.S.S. (Gabriela Cowperthwaite) dans une virée spatiale inoffensive ou qu’elle explore les campagnes arides du Midwest avec Runner (Marian Mathias) et sa superbe photographie, mais bourré de tics plombants, elle reste toujours le terreau fertile d’une jeunesse en proie au doute.
Comme avec la jeune étudiante en journalisme dans Cold Copy (Roxine Helberg) qui se confronte à son modèle dans une version sous adrénaline du Diable s’habille en Prada, réjouissant à certains endroits. Plus jeune encore, avec deux adolescents dans les eighties, qui vont se découvrir avec tendresse (souvent cheezy) dans l’adaptation du roman éponyme Aristote et Dante découvrent les secrets de l’univers (Aitch Alberto). Ou carrément chez une enfant, celle de Wayward (Jacquelyn Frohlich), dans une sorte de road-movie maladroit mais qui brouille les pistes entre la fugue et la prise d’otage.
Une compétition hétéroclite
De cette compétition hétéroclite ressortent distinctement trois coups de cœur, pour autant de premiers films. Il y a d’abord Fremont (Babak Jalali), un néo-Jarmush première période où une réfugiée afghane se voit la responsabilité de rédiger des messages d’espoir dans une usine de fortune cookies. Entre un psychanalyste obsédé par Croc-blanc et ses insomnies répétées, la jeune fille traverse une crise existentielle en noir et blanc qui devient une somptueuse matière de cinéma. La dernière demi-heure y est renversante de beauté.
Un autre premier film, LaRoy (Shane Atkinson) semble quant à lui avoir déjà de la bouteille. Parfait bébé d’Aki Kaurismaki et des frères Coen, le film est un western moderne violent et méchamment drôle, porté par un duo génialement improbable, John Magaro (vu dans First Cow) et Jarred Harris. On a du mal à imaginer le film repartir bredouille.
Coup de cœur
Enfin, notre grand et beau coup de cœur du festival, The Sweet Easts, le premier film de Sean Price Williams, chef opérateur d’Alex Ross Perry (et de certains Safdie, comme Good Times). Le film est une virée absurde, mélancolique et furieusement libre à travers l’Amérique et ses hasards. Il est aussi et surtout une révélation, celle de la jeune Alice au pays des merveilles, la somptueuse et diaphane Talia Ryder, qui nous hantera encore longtemps avec ses regards-caméra. Un film somptueux qu’on serait heureux de voir repartir avec le Grand Prix samedi.
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