Vendredi 10 septembre, 22 h 15, Arte.Pourquoi Spike Lee a-t-il composé son documentaire Quatre petites filles (1997), sur l’attentat raciste survenu en 1963 à Birmingham, Alabama, à la manière d’un album de photos incluant images fixes, documents d’époque et bouts d’interviews ? Pour conférer une aura nostalgique et légendaire à cet épisode tragique et crucial […]
Vendredi 10 septembre, 22 h 15, Arte.
Pourquoi Spike Lee a-t-il composé son documentaire Quatre petites filles (1997), sur l’attentat raciste survenu en 1963 à Birmingham, Alabama, à la manière d’un album de photos incluant images fixes, documents d’époque et bouts d’interviews ? Pour conférer une aura nostalgique et légendaire à cet épisode tragique et crucial de la lutte des Afro-Américains ? Probable, mais ce faisant, il dilue un peu l’impact et le propos du film. Comme si les faits ne pouvaient pas tenir tout seuls, il leur adjoint des artifices visuels (contrairement à ce qu’annonce le programme d’Arte), colorisant les images d’archives, ajoutant des chansons clipées, usant de cadrages bizarres, morcelant ses interviews pour dynamiser le montage. Bref, il se croit obligé de faire du cinéma alors qu’il aurait dû faire du Wiseman. On imagine qu’un cinéaste de fiction chevronné renonce difficilement à ses idiosyncrasies stylistiques, sans lesquelles il se sent nu et anonyme. Sans doute Lee craint-il également de barber le spectateur lambda avec son propos militant et historique. Il a tort, évidemment.
Mais cela n’enlève rien à la qualité et à la force des (nombreux) témoignages, ni à celles des documents. Un sapin de Noël couvert de guirlandes n’a pas la grâce de l’arbre dans son habitat naturel, mais n’en reste pas moins un sapin. De même, le côté bonbonnière du film ne parvient pas à gommer l’intensité des témoignages, notamment ceux des proches de Denise, Carole, Cynthia, Addie, adolescentes qui, en septembre 1963, périrent dans les décombres d’une église baptiste de Birmingham dynamitée par le Ku Klux Klan. Mais l’intérêt principal du film est de ne pas s’en tenir au strict fait divers, épiphénomène douloureux, goutte qui fit déborder le vase de l’indignation et suscita une prise de conscience nationale (« On a pu transformer une crucifixion en résurrection », dit le politicien Jesse Jackson). Utilisant le drame des quatre enfants de Birmingham comme leitmotiv, Lee complète le tableau en peignant l’arrière-plan historique : la lutte pour les droits civiques menée par Martin Luther King & Co. et la riposte des « rednecks » prêts au crime pour maintenir l’apartheid, exhortés par des politiciens auprès de qui Mégret et Le Pen sont des enfants de chœur. Notamment George Wallace, le pire raciste des gouverneurs américains, que l’on voit trente ans après, devenu une épave hypocrite qui serre la main à son factotum black. Bien que l’un des auteurs de l’attentat de 63 Bob Chambliss ait été arrêté en 1977, ses complices courent encore. On apprend d’ailleurs, au détour d’un témoignage, qu’au moins vingt-deux églises noires auraient brûlé dans le Sud depuis 1994. Dommage que Spike Lee n’ait pas insisté sur cette inquiétante nouvelle qui démontre l’enracinement pathologique du racisme aux USA.
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