Dirigés par une femme aimant les gros calibres, quarante tueurs sèment la terreur. Un western baroque du plus génial maverick d’Hollywood. Dernier western de Samuel Fuller, Quarante Tueurs est, malgré son petit budget, un monument de cinéma baroque. Le contexte historique ou politique y est presque totalement absent, au contraire des autres titres de Fuller […]
Dirigés par une femme aimant les gros calibres, quarante tueurs sèment la terreur. Un western baroque du plus génial maverick d’Hollywood.
Dernier western de Samuel Fuller, Quarante Tueurs est, malgré son petit budget, un monument de cinéma baroque. Le contexte historique ou politique y est presque totalement absent, au contraire des autres titres de Fuller dans le genre (J’ai tué Jesse James, Le Baron de l’Arizona et Le Jugement des flèches), même si le scénario évoque en biais le thème de la fin de l’Ouest. On nage en revanche en plein délire érotique et Quarante Tueurs est « un film de fous sur la folie », l’autre grand sujet (avec la violence) de Fuller, qui devait plus tard signer le chef-d’œuvre définitif sur la question : Shock Corridor.
Dans Quarante Tueurs, une femme de poigne dirige une bande de gaillards qui sèment la terreur dans la région et maternent son jeune frère, un abruti sadique, avec une affection suspecte. Deux frères hommes de loi, accompagnés de leur cadet, vont tenter de remettre un peu d’ordre dans la ville. Le film devait au départ s’intituler La Femme au fouet (du nom de la chanson qui accompagne l’action), un titre qui rend justice aux tendances dominatrices du personnage de Barbara Stanwick, dont l’autorité sur ses hommes se situe dans des zones plus troubles que le matriarcat. Fuller préféra pour le rôle Stanwyck, la cinquantaine bien tapée, à la plus jeune et sexy Marilyn Monroe. Le cinéaste a raconté que Quarante Tueurs était d’abord un film sur les armes, et cette approche fétichiste rend particulièrement amusantes les scènes de séduction. L’aspirant shérif courtise la fille de l’armurier tandis que celle-ci prend ses mensurations pour lui fabriquer une arme sur mesure ; plus tard, Barbara Stanwick exprime le désir de caresser le gros calibre du héros, qui n’a plus jamais dégainé depuis le meurtre d’un jeune homme, dix ans auparavant.
Ces audaces s’accompagnent évidemment des géniales trouvailles visuelles du cinéaste, jamais à court d’idées chocs et inoubliables. Dès le premier plan (les ombres des nuages effleurent un paysage de plaine, bientôt traversé par la horde des quarante cavaliers), le spectateur comprend que le cinéaste va utiliser le cinémascope comme personne n’avait osé le faire avant lui. Fuller aime les mouvements de grues insensés, les longs plans complexes, mais maîtrise aussi la litote (la sublime scène d’enterrement) et apprécie les images brèves qui détonnent à l’intérieur du film. On est encore surpris par les plans flous en caméra subjective (le vieux shérif devient aveugle), les gros plans qui cadrent les yeux du héros dans la scène du duel (figure de style inhabituelle à l’époque), et surtout l’image d’une jeune femme filmée de l’intérieur du canon d’une arme, telle une cible désirée.
Même si Samuel Fuller dut y ajouter un épilogue conventionnel, la scène finale symbolise à elle seule l’anticonformisme du plus déchaîné des mavericks d’Hollywood.
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