Et si Dany Boon avait réussi à enfumer tout le monde avec son arrivée ultra scénarisée (en jogging orange Décathlon) à la dernière cérémonie des César ?
Vendredi soir dernier, un homme en smoking et jogging montait sur une scène parisienne où l’on remettait les César, créant ainsi la surprise de la soirée : « Je voudrais dire toute la vérité sur cette polémique. C’est mon conseiller en communication qui m’a monté le bourrichon. Jacques Séguéla m’a dit : Si à 40 ans t’as pas de césar, t’as raté ta vie ». Dany Boon s’en sort bien. Trop bien même.
Car il y a deux semaines encore, l’acteur le mieux payé de France piquait sa colère contre la sélection des César en déclarant sur RTL: « Il faut savoir aussi reconnaître le succès, le plébiscite. On fait du cinéma pour le public. Dommage : c’est la fête du cinéma et on n’y est pas. »
Ajoutant même: « Il faudrait un césar de la meilleure comédie. C’est la base même du cinéma, les premiers films étaient des comédies.» Et de déclarer que non, il ne se rendrait pas à la cérémonie, qu’il la boycotterait, embargo de la récompense oblige.
Seulement voilà. Sur la scène du théâtre du Châtelet, Dany Boon s’est trahi. Sous la vanne, la com’. L’acteur n’a peut-être pas de conseiller en communication mais il se pourrait très bien qu’il ait sa petite stratégie, son plan marketing, mieux qu’une promo sur les plateaux d’Arthur. Car aujourd’hui, les César, ce n’est rien d’autre qu’une vitrine d’un soir et un joli logo autocollant qui fait mieux vendre les DVD.
Et soyons raisonnables, Bienvenue chez les ch’tis n’était de toute façon pas la comédie de l’année (Seuls Two, voire Un Conte de Noel étaient bien plus drôles). Dany Boon devait savoir qu’il ne l’aurait pas eu son César du meilleur film comique (proposition aussi fondée que celle de créer un césar du meilleur sous-titrage ou du meilleur film avec Daniel Auteuil).
Alors comment bénéficier des effets positifs (commercialement, médiatiquement) d’une récompense quand on en peut avoir aucune ? C’est simple : Créer l’évènement. Casser le train des « merci maman » par la surprise. Dany Boon l’a bien compris : s’offusquer dans les médias avant de venir en grand sage parmi tous ces abrutis de snobs qui l’ont rejeté, se sanctifier dans l’autodérision, se faire la victime de ces salauds ne jurant que par le cinéma d’auteur, ça rend aimable auprès du public.
Tout cela sent donc la mascarade à plein nez. Le réalisateur avait d’ailleurs décidé « huit jours avant » de se rendre aux César (selon le site de LCI. Spectacle mis en scène bien à l’avance : le costume (ce jogging orange), un début de sketch et une récompense à remettre. Même de Caunes avait sa réplique (« Bienvenue aux César »).
Au final, Dany Boon a réussi son pari en volant la vedette à tout le palmarès et annulant par là même toute l’indifférence snobinarde qui régnait autour de son film. Comme Pascale Ferran en 2007, comme Coluche en 1984, Boon, en créant la polémique, s’est offert un césar parallèle, celui de l’audience. Alors, si tout cela était bel et bien prémédité, peut-être méritait-il vraiment le seul césar pour lequel son film était nominé : celui du meilleur scénario.
Thomas Pietrois-Chabassier