Que faire si Trump venait à perdre les élections et qu’il contestait sa défaite ? S’il faisait en sorte de rester au pouvoir ? Lilly Wachowski se demande comment se préparer à cette hypothèse et comment les Américains doivent lutter contre cette menace fasciste.
Le Président Donald Trump a menacé à plusieurs reprises de contester les résultats des élections du 3 novembre 2020 s’il venait à les perdre. Comme si, de son point de vue, tout ce qui visait à le nuire relevait de la fake news et donc du complot. La cadette des sœurs Wachowski, Lilly, a publié sur le site Literary Hub une lettre ouverte confiant son anxiété à l’aune des résultats. Que pourraient donc faire les Américains anti-Trump si celui-ci se mettait à se comporter explicitement comme un véritable dictateur ? La co-réalisatrice des films Matrix est aussi connue pour son activisme et elle parle dans cette lettre également en faveur de l’association démocrate « Refuse Fascism », créée fin 2016 dans le but de destituer le Président.
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Trump parle beaucoup et rien ne dit qu’il mettra réellement ses menaces à exécution, ni jusqu’à quel point. On a assisté ces derniers jours – littéralement à la veille de l’élection présidentielle américaine – à une certaine démonstration de force de la part des partisans trumpistes : des voitures défilant fièrement à toute allure dans les villes, bloquant les routes et les ponts… Des méthodes d’intimidation que l’on a l’habitude de voir dans d’autres pays (comme au Brésil de la part des bolsonaristes) mais pas aux Etats-Unis, jusqu’à présent. Qui sait comment sa base électorale réagirait s’il venait à perdre et dénonçait des élections truquées ?
I wrote a thing. #TrumpPenceOutNow https://t.co/u1xFMeIITc
— Lilly Wachowski (@lilly_wachowski) October 30, 2020
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« Que se passe-t-il ensuite ? »
La cinéaste ouvre sa lettre avec le souvenir de sa grand-mère qui, au moment de mourir, disait qu’elle n’avait peur que d’une chose : ne pas connaître la suite de l’Histoire. Elle enchaîne avec un autre souvenir familial, celui d’un jeu auquel elle jouait enfant avec ses ami·es et sa sœur, Lana. Un jeu qui s’achevait par une chanson au refrain très entraînant : « And then what happens? », et ensuite que se passe-t-il ? Aujourd’hui, la question obsède Lilly Wachowski, au point de l’empêcher de dormir la nuit : et ensuite que se passe-t-il ?
Car, si Trump venait à refuser une transition pacifique entre sa présidence et celle de Biden – dans le cas où il perdrait-, il faudrait agir rapidement voire immédiatement pour ne pas sombrer dans un régime fasciste. La réalisatrice a appris très tôt à répondre à cette fameuse question (et ensuite que se passe-t-il ?), une capacité qui selon elle lui a permis de faire des films. Car le cinéma est un art de l’action, exigeant de savoir réagir à chaque instant aux réalités de la fabrication matérielle d’une œuvre collective, aux contingences d’un tournage nécessairement soumis à une grande part de hasard. « Un film est un organigramme de décisions d’une variété apparemment infinie » précise Lilly.
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« S’il n’y a pas de happy end à la Frank Capra ? »
Selon elle, il est urgent de se positionner contre le fascisme et il ne faut pas attendre de voir les évènements dégénérer. Il faut se mobiliser « MAINTENANT » écrit-elle en majuscule, descendre dans les rues maintenant, et empêcher le coup d’état fasciste imminent. Bien sûr, cela implique d’exercer son droit de vote. Mais la cinéaste doute que le poids des bulletins de vote suffise à congédier Trump de la Maison Blanche. Et, si des manifestations pacifiques et massives ne suffisent pas non plus à déjouer ces dérives fascistes ? S’il n’y a pas de « happy end comme dans les films de Frank Capra« , que se passe-t-il ensuite ?
« Que se passe-t-il lorsque Trump conteste une élection serrée, puis tente de légitimer son coup d’Etat via des tribunaux illégalement bondés et un département de la justice corrompu? A l’évidence, il est déjà en train d’agir de la sorte. Mon ami Aleksander Hemon a beaucoup écrit sur le sujet, traçant des parallèles avec son expérience en Bosnie, et pronostiquant la catastrophe que nous nous apprêtons à vivre. Les catastrophes, c’est sa spécialité. »
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« Combien d’autres p****n de cadavres allons-nous devoir empiler ? »
« La violence. C’est le but du gouvernement. La seule pièce substantielle de leur programme politique. » Ce que craint Lilly Wachowski, c’est que ces élections se terminent nécessairement dans la violence. Une violence factuelle qu’elle nomme : « 220 000 Américain·es décédé·es du coronavirus et ce n’est pas fini« . Dans sa lettre, la cinéaste dénonce les milices armées, la violence d’une police soutenant la brutalité du suprémacisme blanc, la politique actuelle contre les immigré·es, le système carcéral raciste et les complexes de prisons à but lucratif ou encore la violence à l’encontre de ses « frères et sœurs queer ».
« La vérité est que si Trump ‘gagne’ cette élection, je n’ai aucun mal à m’imaginer parmi ces cadavres. Cela ne me rend en aucun cas spéciale. D’ici l’inauguration, le nombre de décès dus au Covid va très probablement doubler. »
Ce qu’elle désigne comme « un crime contre l’humanité » résume comment la violence du parti républicain finira de toute façon par atteindre chaque Américain·e. « Mais les choses n’ont pas à se dérouler ainsi. […] En libérant la part radicale de notre imagination, nous pouvons créer cette situation capraesque pour nous-mêmes. » Dans un style épique digne de ses dernières œuvres, Lilly Wachowski finit sa lettre dans l’espoir d’une communion populaire.
« Les répercussions mondiales du mouvement Black Lives Matter nous ont montré la voie. Les courageux citoyens qui ne baissent pas les bras face au blocage électoral nous ont montré la voie. Nous devons nous unir et mettre fin à ce régime fanatique et violent qui met en péril nos vies et la Terre elle-même. Nous sommes les auteur·rices de cette histoire et nous décidons comment elle va se terminer. Alors sortez et allez voter de toutes vos putain de forces, protégez furieusement votre bulletin de vote avec tout ce que vous avez sous la main ! A bientôt, dans la rue. Le monde observera de près ce qu’il va ensuite se passer. »
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