Pusher, la trilogie de Nicolas Winding Refn
Trois films noirs bruts, pas dégrossis, directs à l’estomac.
Nicolas Winding Refn nous était jusqu’à présent connu pour son film “américainî (c’est-à-dire tourné aux Etats-Unis) Inside Job, avec John Turturro, film plutôt intéressant quoique sous influence un peu trop visiblement lynchienne, dont le scénario avait été écrit en collaboration avec Hubert Selby Jr. Les trois épisodes de Pusher, trois films tournés entre 1996 et 2005 suite à l’immense succès remporté par le premier volume lors de sa sortie, nous présentent un visage tout autre, bien moins policé, du jeune réalisateur danois. Un “pusherî, pour ceux qui l’ignoreraient, c’est un dealer. Les trois films nous plongent dans l’univers du commerce de la drogue, en compagnie de ceux qui en vivent (et en meurent) au Danemark. Les scénarios sont réduits à l’essentiel, à une variation sur un même thème (un dealer, embringué dans un plan foireux, à la vie privée ellemême tout aussi compliquée, tente de s’en sortir tant bien que mal), la psychologie réduite au minimum, l’humanité à ses plus bas instincts, et le filmage consiste essentiellement à suivre les personnages principaux dans leurs déambulations, dans leurs bagarres, leur marasme, leurs aspirations (au sens propre comme au figuré), dans leurs emmerdes. Et Dieu sait s’ils en ont. C’est sans doute ce qui fait la force de ces trois films : leur côté brut, sans fioriture, droit à l’estomac : serre les dents, camarade, certaines scènes sont aux limites du supportable. Lequel des trois films est le meilleur ? Sans doute le deuxième, dont le déjanté Tonny (interprété par l’étonnant Mads Mikkelsen – lire portrait page 4) est le protagoniste. Pourquoi ? Parce qu’il est le plus douloureux. Tonny est un crétin, Tonny est une tête brûlée, Tonny est méprisé par tout le monde : même par la femme à qui il a fait un enfant, sans même l’avoir fait exprès, et qui depuis le lui fait payer, et surtout par son propre père, le “Ducî, un chef de bande qui dirige sa petite entreprise comme s’il s’agissait d’un garage. On pense parfois à la violence des rapports père-fils dans les films de Bergman ou de ceux entre rois et héritiers dans les tragédies. Peu à peu, ce personnage de loser extrême, qui n’inspire au départ aucune sympathie, finit pourtant par nous apparaître dans toute son humanité, à nu. Il en est certes de même dans les deux autres films, mais à un degré bien moindre. Cela dit, la technique est connue : suivez un personnage pendant tout un film sans le lâcher, il finit toujours par vous émouvoir, et ce quoi qu’il fasse. Le mérite de Nicolas Winding Refn n’en est pas moins grand : grâce à sa patience, il parvient à pousser ces petits films noirs en apparence rudimentaires et fauchés bien au-delà de ce qu’ils promettaient.
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