Profession Reporter de Michelangelo Antonioni .Après quatre films avec Monica Vitti, Michelangelo Antonioni quitte l’Italie et délaisse par la même occasion ses personnages de femmes pour suivre les errances métaphysiques d’archétypes masculins habités par un désir vague de fuite, une pulsion morbide qui les achemine vers le dédoublement, la solitude, la disparition, la mort.
La thématique un peu galvaudée (mais juste !) des hommes veules et des femmes héroïques des films en noir et blanc d’Antonioni est abandonnée au profit d’une réflexion politique et esthétique sur le monde contemporain et la position inconfortable, voire insupportable, que l’homme est sommé d’y tenir.
Blow up (1967) est une enquête policière sans résolution, exposé brillant sur l’art et la réalité, dans lequel l’agrandissement d’une photo permet l’apparition puis la disparition de la preuve d’un meurtre. Après ce triomphe critique et commercial, Antonioni choisit de radicaliser sa démarche d’artiste et de voyageur. Il s’embarque pour des aventures aussi cérébrales que géographiques, et des expériences inédites où les innovations techniques sidérantes Ð l’explosion finale de Zabriskie Point (1970), l’avant-dernier plan à 360 degrés de Profession : reporter (1974) Ð s’accompagnent d’un ton de plus en plus désenchanté. Zabriskie Point part à la rencontre de la jeunesse contestataire américaine mais aussi des immensités désertiques de la Vallée de la Mort, regard d’un artiste italien sur les Etats-Unis, sa société consumériste mais aussi son cinéma. Le film est une variation sur La Mort aux trousses, et l’œuvre d’Antonioni entretient avec celle d’Hitchcock une étrange et fascinante relation qui pourrait résumer celle qui lie le cinéma moderne au cinéma classique. Ce dépassement des codes du film policier se poursuit avec le film suivant, qui ressort enfin en salle après un long blocage juridique. Profession : reporter marque la rencontre d’Antonioni avec Nicholson, qui livre ici une fascinante leçon d’underacting, en parfaite symbiose avec les objectifs et méthodes de travail du cinéaste italien. Chef-d’œuvre absolu, aboutissement d’années de réflexion et de voyages, Profession : reporter est aussi le film le plus lumineux d’Antonioni, même si la mort y rôde du début à la fin. Le projet d’échange d’identité du reporter, poursuivi à la fois par des tueurs et la curiosité de sa femme, est voué à l’échec. L’expérience est absurde, suicidaire, mais aussi ludique, sensuelle (sa brève rencontre avec la jeune fille interprétée par Maria Schneider). Le reporter parvient, un bref moment, à « devenir lui-même » en volant la vie d’un autre, à gožter à la liberté véritable et découvrir, comme le notait Alberto Moravia au sujet du film, que l’homme n’existe vraiment qu’en dehors de la société.
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Olivier Père
Profession : reporter de Michelangelo Antonioni, avec Jack Nicholson, Maria Schneider (It., E.-U., Fr., Esp., 1975, 2 h 06)
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