Professeur Yamamoto, psychiatre japonais de renom, dit au revoir à ses patients. Kazuhiro Soda capture ces instants qui en disent long sur la mission d’un homme et le rapport du Japon à la santé mentale.
Pionnier de la psychiatrie japonaise et âgé de 82 ans, le professeur Yamamoto, désormais au crépuscule de son existence, décide de prendre sa retraite. Débute alors une série d’ultimes séances avec des patients déboussolés, partagés entre la reconnaissance profonde pour le travail du médecin et la détresse de nouveaux orphelins (certains sont en thérapie avec Yamamoto depuis vingt ans).
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Les entrevues sont captées dans des plans longs et mouvants par le cinéaste Kazuhiro Soda lui-même, d’après ses dix commandements qu’il s’est fixé pour réaliser ses documentaires. Douze ans après Mental, qui traitait déjà des troubles psychiatriques, il poursuit ainsi sa démarche intimiste avec des préceptes créatifs comme “faire tourner la caméra soi-même”, “ne pas décider du thème avant le montage” ou encore “pas de surtitres ni de musique”.
De la mission d’un homme à l’intimité d’un couple
Au bout d’une heure d’échanges bouleversants, dans ce petit bureau sombre qui fait office de cabinet, la caméra de Soda suit soudain la femme du psychiatre, Yoshiko, atteinte d’Alzheimer. Elle s’échappe péniblement (ayant désormais du mal à ouvrir les portes) à l’extérieur pour rejoindre, quelques mètres plus loin, leur domicile. En milieu de film, nous avons ainsi basculé dans leur intimité.
Tout le premier acte, cette longue suite d’adieux, se diffuse alors sur le second, centré sur le quotidien du couple octogénaire. Il l’éclaire et le rend plus dense, plus tragique aussi, à voir comme la vie de famille a pu se détériorer face aux missions chronophages du professeur avec ses patients. Le film est ainsi scindé en deux parties qui se rejoignent vers une même vulnérabilité, celle du soin des maladies mentales, prodigué par Yamamoto, un personnage d’une douceur précieuse.
Une œuvre sur la vie et la mort
Le documentaire tout entier est à son image, d’une tendre persévérance, semble retenir tout à soi avec pudeur et parcimonie, comme pour empêcher que la vie et la raison ne s’échappent, ne s’évanouissent dans les vapeurs. La préparation d’une collation, une commande de sushis, nettoyer une tombe, tout est mis au même niveau de regard et d’attention, avec l’identique engourdissement que le poids des années leste sur chaque mouvement.
Plus loin encore que la psychiatrie, le film devient ainsi une œuvre sur la vie et la mort, racontant en sous-texte comment un couple s’est sacrifié pour une mission plus haute, venant en aide aux gens souffrants dans un Japon considérablement en retard en matière de soins psychiatriques.
Professeur Yamamoto part à la retraite de Kazuhiro Soda, en salles.
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