Le procès pénal de Harvey Weinstein s’ouvre ce lundi 6 janvier à New York. Un moment que l’actrice Sarah Ann Masse, l’une des nombreuses victimes du mogul déchu à avoir brisé le silence pendant #MeToo, attend avec un mélange d’excitation et d’inquiétude.
“Il y a l’espoir que justice sera rendue, mais aussi la peur qu’il n’obtienne pas la peine qu’il mérite après plus de trente ans de crimes”. Pour Sarah Ann Masse, l’ouverture très attendue du procès pénal de Harvey Weinstein à New York, lundi 6 janvier, provoque autant d’impatience que d’angoisses. Devenue porte-parole de “survivantes” (le nom que les victimes d’abus sexuels se donnent aux Etats-Unis), cette actrice américaine fait partie des dizaines de femmes qui ont accusé, en plein mouvement #MeToo, l’influent producteur de films de comportements déplacés, d’agressions sexuelles ou de viol.
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En octobre 2017, elle a raconté au magazine Variety les avances de ce dernier lorsqu’elle est venue, chez lui, passer un entretien d’embauche pour un job de baby-sitter pour ses trois enfants. Weinstein l’a accueilli en caleçon et en maillot de corps, l’a enlacée longuement après leur discussion avant de lui dire qu’il l’aimait. Cette rencontre de quelques minutes, qui s’est déroulée en 2008 dans le Connecticut (Côte Est des Etats-Unis), a changé sa vie. “Ma carrière en a souffert. J’étais une jeune actrice peu connue. Je voulais percer dans la télévision et le cinéma. Mais après cet épisode, j’ai pris mes distances avec ce milieu car j’avais peur de le croiser ou de devoir interagir avec lui”, explique-t-elle aux Inrocks.
Mise sur une liste noire
Sarah Ann Masse était en tournage en Europe quand les accusations contre l’ancien producteur ont fait surface dans le New York Times et le New Yorker. Elles ont rapidement été suivies d’une déferlante de témoignages de femmes, célèbres ou non. Les encouragements de ses amis et ses traumatismes personnels – elle a été violée par un acteur quelques mois avant sa rencontre avec Weinstein et agressée physiquement par un homme lors de son séjour sur le Vieux Continent – l’ont poussé à sortir de son silence. “Quand j’ai vu toutes les autres femmes prendre la parole, j’ai été surprise de découvrir que je n’étais pas la seule. J’étais à la fois sous le choc, triste et soulagée”, raconte-t-elle.
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Les deux mois qui ont suivi la publication de son histoire, se souvient-elle aujourd’hui, ont été “très difficiles”. “J’ai été propulsée sous le feu des projecteurs. Je ne voulais pas être dans Variety pour ces raisons-là !”. Elle était loin de se douter que le plus dur serait à venir. En décembre, ses projets s’arrêtent. On commence à lui dire qu’elle doit cesser de s’exprimer dans la presse, qu’elle a été mise sur liste noire. “Cela fait plus d’un an et demi que je n’ai pas été rappelée pour un casting. On considère que les survivantes d’abus sexuels ne valent pas le coup d’être embauchées. On craint qu’elles ne créent des problèmes, affirme-t-elle. Le secteur du divertissement est toujours contrôlé par des hommes. Soit ils ont commis des abus sexuels aussi, soit ils ne comprennent pas la réalité d’être une victime”.
Des protections sur les tournages
Scénariste, productrice, actrice et chanteuse, Sarah Ann Masse se concentre désormais sur ses propres projets : des vidéos et sketches humoristiques réalisés avec son mari Nick Afka Thomas et un court-métrage avec Toby Sebastian (qui a joué dans la série de HBO Game of Thrones). Mais elle utilise aussi sa visibilité pour militer pour la reconnaissance des droits des victimes et encourager les studios à embaucher des “survivant.es”. L’un de ses idées : utiliser ces derniers comme consultants pour aider à instaurer des protections sur les lieux de tournage et ailleurs. “Nous pouvons aider les studios et les compagnies de production à réduire leur exposition au risque de poursuites judiciaires”.
Sarah Ann Masse ne fait pas partie du procès pénal qui s’ouvre le 6 janvier (celui-ci oppose deux femmes au mogul déchu, qu’elles accusent de viol notamment), mais elle figure parmi les plaignantes dans les poursuites civiles contre Weinstein. Sur le plan personnel, “je prends les choses au jour le jour mais de manière générale les choses vont dans le bon sens, dit-elle. Je suis fière de voir les changements sociétaux qui sont sortis de #MeToo. Mais beaucoup de nous autres, survivantes, continuons de souffrir. Nous avançons, mais cela vient au prix de sacrifices personnels importants, de carrières qui se désagrègent, de problèmes de santé, de souffrances étalées en public… J’aimerais voir plus d’empathie envers les victimes”.
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