Une comédie un peu bordélique dans laquelle Eric Judor pointe sans mépris les ridicules observables dans les ZAD et autres Nuit debout.
Il y a pile un an, chaque matin, Nuit debout réinstallait ses tentes, ses stands et ses sonos dégagés la veille par les CRS, et se préparait, tel Sisyphe sur sa colline, à empêcher la République de dormir – la place tout au moins, pour le reste ce fut plus compliqué. Une sorte de ZAD au cœur de Paris, sauf que personne n’était d’accord sur ce qu’il fallait “défendre”… Problemos a été conçu entre l’été et l’hiver dernier, dans cette atmosphère de révolte, d’espoir et, déjà, de désillusions.
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Aujourd’hui, à l’issue d’un des cycles électoraux les plus rocambolesques que la France ait connus de mémoire de millennial (et dont la conclusion nous est inconnue à l’heure d’écrire ces lignes), Eric Judor sort son troisième long métrage, Problemos, et espère profiter de l’effervescence politique qui agite le pays. Et aussi, pourquoi pas, le détendre un tout petit peu.
Une comédie d’observation dont Judor est en France le meilleur pratiquant
On y suit Victor (Judor lui-même, tout en veulerie souriante) qui s’en va passer un week-end avec sa femme dans une ZAD, en Ardèche, où crèche un vieux copain de celle-ci. Un événement inattendu va les obliger à rester plus longtemps…
Le titre évoque à la fois Podemos et Calmos (satire antiféministe de Bertrand Blier, en 1976) et en dit déjà beaucoup sur l’ADN du film : Judor a pour ambition de greffer l’aorte postutopique et bordélique des seventies sur un cœur bien contemporain, tendre et fragile, qui bat au rythme de la comédie d’observation dont il est en France le meilleur pratiquant.
Un scénario pour le coup vraiment anarchique
Il faut son génie d’équilibriste pour réussir une telle opération, restant lucide sur les dérives de l’autogestion (qui reproduit sans vergogne les méfaits qu’elle condamne), pointant avec gourmandise ses aspects les plus ridicules (l’enfant qui n’a pas de prénom pour ne pas l’enfermer dans une norme) ou hypocrites (le clodo qu’on prend pour un chaman, tellement plus chic), sans pour autant clouer au pilori, comme l’aurait fait n’importe quel petit soldat de la comédie made in rance. Car si tous les personnages sont à un moment ou à un autre moqués, c’est encore le sien, archétype du Parisien donneur de leçons, qui en prend le plus pour son grade.
La générosité de son regard et du casting (les comédiens sont tous aussi bons que méconnus) fait que l’on pardonnera plus volontiers les errances d’un scénario pour le coup vraiment anarchique (signé par Noé Debré et Blanche Gardin, par ailleurs hilarante en pasionaria féministe), plus prompt à enchaîner les gags qu’à boucler une histoire convaincante. Coolos.
Problemos d’Eric Judor (Fr., 2017, 1 h 25)
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