Les mésaventures d’une ado d’Harlem. Porté par ses actrices, mais plombé par les effets de manche du réalisateur.
Adapté d’un roman culte de Sapphire, Push (éditions du Seuil), Precious est un film tour à tour puissant et pénible. Il nous entraîne sur le difficile chemin vers l’émancipation et l’âge adulte d’une sweet sixteen qui grandit à Harlem.
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Precious cumule à peu près tous les handicaps possibles : elle est femme, noire, grosse, pauvre, mise en cloque à plusieurs reprises par son propre père et sous la coupe d’une mère crack-addict, dictatoriale et cyclothymique. Et coupons court à toute hypocrisie : elle n’est pas très belle, ni très sexy. La totale du malheur.
Pourtant, ce grand chelem de la mouise n’est pas une exagération mélodramatique, mais le lot de milliers de jeunes Noires américaines. Un seul chemin d’avenir pour Precious, qui est douée en maths : les études, l’éducation par l’école.
Precious vaut avant tout pour ses actrices. Obèse mais grâcieuse, brutale et fine, Gabourey Sidibe a une incroyable présence et fait penser à toutes les “soul sistah” ou rappeuses enveloppées qui ont marqué l’histoire de la musique.
Mo’Nique, qui fait la mère, n’est pas triste non plus : un véritable monstre domestique, plus effrayante que tous les aliens à écailles et dents crochues. Même la chanteuse de soupe Mariah Carey est bonne en assistante sociale.
L’autre élément notable, c’est la langue. Marquante dans le livre, elle est ici incarnée, propulsée sur l’écran avec une énergie parfois démentielle, notamment dans les scènes d’engeulades entre Precious et sa mère.
Dans ces moments-là, ce n’est plus du dialogue, c’est du flow, de la parole ivre de sa propre puissance, comme dans L’Esquive de Kechiche. Comme si la parole était la dernière richesse quand on n’a plus rien, le trésor que l’on protège et entretient, jusqu’à la folie.
Ce qui est bien vu aussi, c’est le salut par les femmes. C’est auprès de travailleuses sociales, de professeures, de ses copines de classe ou d’un couple de lesbiennes que Precious trouve refuge, assistance et réconfort.
Le machisme n’est pas la cause centrale de la misère, mais il est souvent la raison principale qui empêche les filles d’en sortir.
Precious a aussi un problème, et son nom est Lee Daniels. Voulant prouver à chaque plan qu’il a un style original, Daniels multiplie les signes de virtuosité vaine et fatigante : cadrages inutilement sophistiqués, filtres colorés, effets de montage appuyés…
C’est d’autant plus dommage de s’inspirer ainsi des plus mauvais côtés de Spike Lee qu’un tel matériau et de tels personnages appelaient au contraire un filmage sobre, sans fioritures.
Si Precious
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