Fort de sa quadruple oscarisation, le film de Bong Joon-ho s’offre une ressortie en salle dans un noir et blanc qui exacerbe sa dimension de conte cauchemardesque.
Si les Jeux olympiques du cinéma existaient, il ne fait aucun doute qu’il aurait remporté la médaille d’or. Car, en effet, ça n’aura échappé à personne : depuis le mois de mai dernier et sa Palme d’or cannoise, le parcours de Parasite ressemble à s’y méprendre à un grand chelem qui s’est conclu par la divine surprise du double Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur.
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Ce parcours sans faute s’accompagne d’une reconnaissance du public (plus d’un million et demi d’entrées en France) mais aussi de la cinéphilie mondiale, comme en témoigne l’incroyable moyenne des notes reçues par le film de Bong Joon-ho sur un site international comme Letterboxd (4,6/5 !). De plus, le cinéaste est éminemment sympathique et sait rendre hommage, sans démagogie, à ses pairs, qu’ils soient morts (Chabrol à la remise de sa Palme d’or) ou vivants (Scorsese, puis Tarantino, tous deux bien présents à la cérémonie des Oscars). Tout cela finirait même, à force d’unanimisme, par devenir suspect.
Un authentique amour du cinéma
Mais, à part quelques voix discordantes qui vont peut-être se multiplier au fil du temps, rien n’y fait : c’est le film qui est célébré et rien d’autre. Car Parasite marque un vrai retour du cinéma sur le devant de la scène. Et même si d’aucuns ont souligné, ici et là, l’évidente dimension sociale de la fable, nul besoin de béquille sociologique ou d’alibi pseudo-politique pour aimer le film de Bong dont l’aspect ludique n’exclut pas une certaine profondeur existentielle. Ce qu’on célèbre avec Parasite, c’est ni plus ni moins que le triomphe de la mise en scène. Et c’est vraiment une bonne nouvelle !
A ce parcours incroyable, il convient d’ajouter un post-scriptum assez inattendu : la sortie en salle d’une nouvelle version de Parasite. Pas un nouveau montage ou un director’s cut mais, tout simplement, la version en noir et blanc du film de Bong Joon-ho, voulue par le réalisateur qui avait, semble-t-il, opéré semblable métamorphose sur l’un de ses films précédents, Mother (2009). Alors, opportunisme qui surfe sur un succès mondial ?
La dimension hallucinatoire, cauchemardesque et pratiquement fantastique apparaît plus clairement dans cette nouvelle version
Pas sûr, tant les choix de Bong Joon-ho semblent guidés par un authentique amour du cinéma. Cette version, même si son montage ne diffère aucunement de la version couleur, donne d’ailleurs matière à réflexion. En particulier sur la deuxième partie du film, dont la dimension hallucinatoire, cauchemardesque et pratiquement fantastique apparaît plus clairement dans cette nouvelle version.
Le noir et blanc métallique voulu par Bong rend forcément Parasite plus abstrait, moins réaliste. Il accentue sa dimension de conte et le met à distance de la réalité coréenne sans pour autant le faire basculer dans le maniérisme.
Le geek cinéphile qui sommeille en tout un chacun pourra désormais s’amuser à comparer les deux versions et choisir celle qu’il préfère. Quelle que soit celle que vous adopterez, sachez que vous contribuerez, de toute manière, à la célébration d’un culte d’un nouveau genre : l’effet Parasite ! Pour retrouver un phénomène de cette ampleur dans le cinéma mondial, il faudra sans doute attendre encore un peu.
Parasite – version noir et blanc de Bong Joon-ho, avec Song Kang-Ho, Woo-sik Choi, Park So-Dam (Cor. du S., 2020, 2h12)
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