Après Chained et Beloved, le troisième volet de l’entreprise filmique de Yaron Shani autour de la violence faite au femmes est entaché d’un discours moral douteux.
Troisième chapitre de ce que l’on croyait être au départ un diptyque, Stripped arrive dans les salles seulement quelques mois après la sortie de Chained et Beloved. Dans ce premier ensemble, Yaron Shani faisait le récit d’un féminicide : d’abord en adoptant le point de vue du meurtrier, avant de changer de camp pour nous faire rencontrer Abigail, femme martyre, ressuscitée le temps d’un film sororal.
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On avait vu alors dans cette égalité de traitement entre les deux protagonistes le signe d’une fascination quasi-clinique pour l’âme humaine et ses tréfonds, rendue dans une impressionnante fresque à mi-chemin entre documentaire et fiction.
“Stripped” arrive seul mais peut aussi se lire comme un diptyque
Stripped, lui, arrive seul mais il peut aussi se lire comme un diptyque. Le film débute avec Alice, que l’on avait déjà entre-aperçue dans Beloved, le temps d’un court passage où la jeune écrivaine s’évanouissait dans une librairie.
La séquence est ici reprise et étirée pour que le film nous dévoile le mystère de ce malaise physique soudain. On y retrouve ce qui nous avait saisi·es devant le premier opus : cette acuité à saisir l’intériorité des personnages, avec la précision et l’intuition d’un grand portraitiste, et les pulsations du monde qui les entourent. Pourtant, de Chained et Beloved, Stripped révèle et souligne davantage les ambiguïtés, en construisant son dénouement (et son suspense) autour d’un viol.
Les bourreaux, des innocents souillés par une société dépravée
En parallèle d’Alice, nous suivons Ziv, son jeune voisin, garçon discret aux ambitions cruellement détruites (il se rêvait musicien, le voilà soldat). Ici, à nouveau, la violence faite aux femmes occupe le premier plan mais elle apparaît enrobée d’un discours moral douteux qui nous ferait presque croire que les bourreaux ne sont que des innocents souillés par une société dépravée.
Car il semblerait que les ennemis, pour Yaron Shani, ne sont pas ceux qui donnent les coups mais les instances qui les conditionneraient. Le sexe “impur”, celui tarifé des prostituées (scène de lap dance où leurs corps ondulent mais sont entièrement floutés, comme s’ils n’existaient pas), la pornographie, etc. sont filmés, eux, comme les péchés et les monstres d’aujourd’hui.
Stripped de Yaron Shani, avec Eran Naim, Stav Almagor, Laliv Sivan, Bar Gottfried (Isr., All., 2018, 1h59)
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