Sorti en 1998, ce polar, porté par la figure spectrale de Terence Stamp, dialogue avec le passé pour un hommage mélancolique aux années 1960.
De L’Anglais, on dira d’abord qu’il s’agit d’un polar très réussi et d’un des meilleurs films de Steven Soderbergh, l’homme qui tourne plus vite que son ombre. Nous sommes à la fin des années 1990, et Soderbergh, depuis sa Palme d’or pour Sexe, mensonges et vidéo (1989), dix ans avant, a déjà une filmographie conséquente bien qu’inégale. L’Anglais appartient à son versant pop mais avec une touche de mélancolie et une sorte de dureté qui ont très bien vieilli.
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L’Anglais du film, c’est Wilson, un père qui fait le voyage à Los Angeles pour retrouver celui qu’il soupçonne être l’assassin de sa fille. La trame du film est simple, sans fioritures excessives, et son intérêt tient surtout à la présence minérale, brutale et, finalement, émouvante, de Terence Stamp. L’acteur mythique de Théorème (Pasolini, 1968) n’est pas, à cette époque, dans la meilleure partie de sa carrière.
Soderbergh lui donne l’apparence d’une statue du commandeur, aux yeux bleu acier, d’une raideur impressionnante, d’un spectre, revenu du lointain des sixties anglaises, comme l’incarnation d’une époque révolue sommée de se confronter à la réalité du présent. L’une des bonnes idées du film, c’est d’avoir donné le rôle de son ennemi à Peter Fonda, autre figure mythique des années 1960, côté californien. Ce qui donne lieu à un face-à-face à distance assez étrange et plutôt fantomatique. Comme une ombre crépusculaire au cœur de l’intense lumière californienne.
Comme si présent et passé, fiction et documentaire se mélangeaient inextricablement
Tout en étant d’une facture très contemporaine, L’Anglais est hanté par le passé de ses personnages et de ses acteurs. D’ailleurs, les flashbacks de la vie de Wilson, l’Anglais, sont en fait des extraits du premier film de Ken Loach, Pas de larmes pour Joy (1967), avec le jeune Terence Stamp en vedette. Ces plans en noir et blanc créent un trouble supplémentaire, comme si présent et passé, fiction et documentaire se mélangeaient inextricablement.
Le style de Soderbergh, très fragmenté, parfois à la limite du maniérisme, est lui-même inspiré par certains films anglo-américains de la fin des années 1960, comme Le Point de non-retour de John Boorman (1967), pour la vision abstraite de L.A. et, surtout, Petulia de Richard Lester (1968), pour la construction fragmentaire et mentale.
Une méditation métaphysique sur le temps, le cinéma, le genre
C’est certainement cette profondeur de temps qui a permis à L’Anglais de si bien vieillir. Si l’on peut reprocher souvent à Soderbergh d’abuser des effets de surface, ici, il trouve l’occasion d’une méditation presque métaphysique sur le temps, le cinéma, le genre. Ce qui fait décidément de L’Anglais l’un de ses films les plus profonds et les plus attachants. Un film auquel on a grand plaisir à revenir.
L’Anglais de Steven Soderbergh, avec Terence Stamp, Lesley Ann Warren, Peter Fonda (E.-U., 1998, 1h30). En DVD et Blu-ray (L’Atelier d’images), à partir de 24,99€
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