Considéré comme le premier long-métrage de Charlie Chaplin, The Kid, sorti en 1921, a autant marqué la vie personnelle du cinéaste que l’histoire même du cinéma. Un film culte à voir sur Netflix.
Charlie Chaplin n’est pas encore “le cinéaste le plus célèbre au monde” (dixit François Truffaut) quand il débute en 1918, à trente ans, la réalisation d’une série de courts-métrages la First National, dont The Kid. Le film, initialement prévu sur deux bobines, en compte finalement six, soit un long-métrage, son premier, dont on fête cette année le centenaire. En plus de surmonter des problèmes de production, Chaplin se sent frustré dans sa relation avec Mildred Harris, sa première épouse. Alors que le couple bat de l’aile, le décès prématuré de leur enfant affecte profondément le cinéaste.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Des larmes aux rires
Comme un substitut, l’artiste comique se jette corps et âme dans la préparation de ce nouveau projet, d’abord nommé The Waif (L’Orphelin) puis The Kid. L’histoire est celle d’une mère, « dont le seul pêché était d’être mère », qui de façon inexpliquée, va perdre son enfant tout juste né. Un mendiant, Charlot, recueille l’enfant et l’adopte. La découverte de l’orphelin résonne comme une providence, comme en témoigne le plan christique au début du film. Charlot, qui se décrit lui-même dans ses mémoires comme un enfant issu des « couches inférieures de la société », incarne alors le père adoptif d’un enfant perdu.
>> À lire aussi : Truffaut, Demy, Chaplin, Lynch et Dolan débarquent sur Netflix !
Ce qui frappe encore aujourd’hui, en 2021, au visionnage de The Kid, c’est la manière dont Chaplin nous raconte une histoire intemporelle. La grammaire du film, celle du cinéma muet de l’époque avec le noir & blanc, le format 4/3, le plan fixe, peut aujourd’hui nous sembler anachronique mais l’émotion face à ces images reste la même. La musique composée par Chaplin lui-même en 1977 ne soutient pas l’image mais l’accompagne dans un rythme qui alterne entre un ton burlesque et dramatique. Même si le jeu des adultes peut paraître caricatural, le jeu de l’enfant, interprété par Jackie Coogan, demeure toujours aussi juste.
Une grande partie du film s’articule autour de sketchs suivant le quotidien misérable de Charlot et son fils adoptif. De façon minimaliste, l’image du film suit les périples de ce duo atypique. Il y a une certaine forme de pudeur à l’image des scènes dans l’appartement. Le cadre, sans être importun, capte la complicité et le rapport, souvent comique, de ces deux personnages. Le décor du film inscrit un rapport de classe et la dimension politique du film est indéniable. Charlot affronte alors les archétypes du pouvoir : le médecin, l’assistance sociale, le policier.
Dans ce mouvement séditieux, Charlie Chaplin oppose alors deux univers : celui de la classe dominante, qu’il moque férocement, et celle prolétarienne, qu’il affectionne tendrement. The Kid n’est pas seulement un film amusant mais bien un film sans complaisance, et personnel. Si « l’œuvre d’art, doit résoudre le drame, pas l’exposer » selon Jean Genet, Charlie Chaplin exprime rigoureusement le sien, l’amour de deux orphelins.
The Kid, un film référentiel pour Abbas Kiarostami
Quel impact a eu Chaplin sur le travail des cinéastes contemporains ? La série documentaire Chaplin Today (2013), réalisée par le critique Alain Bergala et disponible sur sur MK2Curiosity, tente d’y répondre en faisant réagir des cinéastes à propos des films de Charlie Chaplin. Rencontré en Iran, Abbas Kiarostami évoque son souvenir de cinéma, celui durant lequel il a vu pour la première fois The Kid à l’âge de 10 ans. Comme un prolongement du film de Chaplin, la figure de l’enfant occupe une place importante dans la filmographie d’Abbas Kiarostami. Lorsqu’on regarde son premier film, Le Pain et la Rue (1970), difficile de ne pas voir l’écho à The Kid, autant dans la forme que dans le fond. Il raconte l’histoire d’un enfant qui achète du pain, déambule ensuite dans les rues désertes et rencontre un chien abandonné. En revisionnant le film, le cinéaste iranien finit par avouer qu »il y a dans notre cinéma une logique de vie, et non une logique de cinéma. »
The Kid est à voir ou à revoir sur Netflix et Chaplin Today est à découvrir sur MK2Curiosity
>> À lire aussi : Tout Chaplin (ou presque) en 4 motifs clés
{"type":"Banniere-Basse"}