Protéiformes, tels sont les rôles de l’acteur de Matrix, Point Break ou My Own private Idaho en 2019. Séries B d’action, comédie romantique Netflix, voix dans Toy Story 4, l’acteur ratisse large et confirme un come-back ayant atteint une maturation réjouissante. Petit tour d’horizon d’une année bien chargée.
A l’heure d’un star-system hollywoodien à la dérive, il n’est plus possible pour les studios de miser sur un projet grâce au seul nom d’un acteur. Cette science n’est plus exacte, et elle a une incidence catastrophique sur la place des auteurs, de moins en moins enclins à amener sur la table des propositions alternatives pouvant être portées par une personnalité rassurante. Keanu Reeves est, comme beaucoup d’autres, assez révélateur de ce changement.
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Alors qu’il s’est révélé au travers de films de Kathryn Bigelow (Point Break), Gus Van Sant (My Own Private Idaho), Francis Ford Coppola (Dracula), Bernardo Bertolucci (Little Buddha) et bien sûr les sœurs Wachowski (Matrix), l’acteur n’est désormais plus associé à des noms prestigieux, au mieux à des artisans solides qui savent le mettre en valeur. Mais contrairement à d’autres comédiens ayant connu une traversée du désert relative durant les années 2000, Keanu Reeves a su s’imposer en faisant sien des projets où sa présence devient une véritable valeur ajoutée. Et 2019 est sans nul doute la consécration de cette démarche.
« Guns… Lots of guns »
Bien évidemment, le comédien a commencé l’année très fort avec le troisième volet des aventures de John Wick, tueur à gages surentraîné dont les talents martiaux procurent une jouissance immédiate à l’écran. A l’origine, John Wick aurait pu n’être qu’une petite série B direct-to-video de plus, mais ses deux réalisateurs, David Leitch et Chad Stahelski (longtemps coordinateurs de cascades, notamment sur la saga Matrix) ont eu l’occasion de délivrer une note d’intention qui a tout de suite fait la différence. En bref, adieu les montages épileptiques et les doublures feignantes de la majorité des blockbusters d’action, et place à une mise en scène élégante et de longues prises lisibles mettant en avant des enchaînements chorégraphiques déments.
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John Wick ne serait donc rien sans son interprète, connu pour son dévouement total, qui l’amène à chaque opus à mener un entraînement physique rigoureux que la réalisation sublime. Un peu à la manière de Tom Cruise, Keanu Reeves fait la majorité de ses cascades lui-même, et la différence se fait ressentir. On est avec lui, au plus proche de son personnage dans ses séries de meurtres jubilatoires, conçues pour notre plaisir. Le film fait de sa star un mythe moderne du cinéma d’action, n’hésitant pas à se référer à ses rôles passés (en particulier Néo). Reeves se donne pour son public, et celui-ci lui rend bien, puisque la saga ne cesse de croître en popularité, au point d’avoir déjà dépassé avec ce troisième chapitre la barre des 250 millions de dollars de recettes mondiales.
Retour dans la matrice
Mais au-delà de l’implication, il y a chez Reeves une véritable curiosité, un sens du ludique qui l’a amené à créer la surprise à l’E3 2019, le plus grand salon du jeu vidéo se déroulant à Los Angeles. Alors que le studio CD Projeckt vient présenter son très attendu jeu de science-fiction Cyberpunk 2077, la bande-annonce se termine sur l’apparition de ce cher Keanu, numérisé et doté d’un bras robotique ultra-badass. L’acteur débarque alors en grande pompe sur la scène de l’E3, annonçant la date de sortie du titre face à un public enjoué, qui lui rétorque d’ailleurs qu’il est « à couper le souffle » (« breathtaking« ) lorsqu’il emploie l’expression pour décrire le jeu.
L’extrait est très amusant, et s’est révélé être l’un des moments forts de la convention. Si voir un acteur prêter ses traits pour un jeu vidéo est loin d’être un événement exceptionnel (rien que cette année, Jon Bernthal est aussi venu à l’E3 présenter Ghost Recon Breakpoint), Keanu Reeves a su engendrer une effervescence surprenante, et montrer une envie sincère d’expérimenter pour divertir, de changer son corps de matière pour le ramener – d’une certaine façon – dans la matrice.
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C’est sans doute ce côté joueur et décomplexé qui rend l’acteur aussi fascinant, et Cyberpunk 2077 n’est pas un cas isolé. En 2019, Keanu Reeves prête également sa voix au motard cascadeur Duke Caboom, nouveau personnage fantasque pour Toy Story 4, avec lequel il partage la nationalité canadienne.
Lors de l’avant-première mondiale du long métrage le 11 juin, le réalisateur Josh Colley a expliqué avoir procédé à des tests audio, à l’aveugle, pour sélectionner l’interprète. La bande démo de Keanu Reeves est immédiatement sortie du lot de par son énergie, et l’acteur est venu en personne sur le campus de Pixar, pour en apprendre plus sur le personnage. Le producteur Mark Nielsen raconte que c’est durant le déjeuner que le comédien a eu l’idée du trait de caractère central de Duke Caboom, à savoir son besoin compulsif de prendre des poses : « il a grimpé sur une table, et a commencé à prendre des poses, au beau milieu de l’atrium. Nous avons tout de suite pensé : c’est Duke Caboom !«
« I think I’m back ! »
Alors que de nombreux acteurs hollywoodiens se complaisent dans un seul type de rôle, Keanu Reeves préfère à l’inverse jouer de son image pour s’inscrire dans une variété de performances, dans lesquelles il tient en premier lieu à s’amuser. C’est notamment ce qu’il fait dans la comédie romantique Always Be My Maybe, production Netflix assez quelconque qui ne brille que par son caméo brillant, où il incarne une version hypertrophiée de lui-même. Sa prestation est d’ailleurs l’argument marketing principal du film, qui n’hésite pas à jouer avec les mèmes qui l’entourent sur les réseaux sociaux, notamment en ce qui concerne sa gentillesse légendaire.
Reeves maîtrise ainsi mieux que personne un équilibre complexe, entre une iconisation de ses personnages et un sens de la dérision réjouissant, qui ne prend cependant pas le dessus sur sa carrière, qui se serait alors réduite à une flopée de séries Z bêtement parodiques. Il sait se faire désirer tout en demeurant accessible. D’un film d’animation familial à l’actioner de l’année, en passant par nos consoles de jeux, Keanu Reeves est présent sur tous les fronts. Et ce n’est pas tout, puisqu’une rumeur voudrait qu’il apparaisse dans Hobbs & Shaw, le spin-off de la saga Fast & Furious réalisé par son copain David Leitch, et prévu pour le 7 août prochain. Pour reprendre l’une des célèbres répliques du premier John Wick, « il est de retour« .
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