La haine de classe traquée dans un petit groupe qui semblait d’abord homogène. Un film en ébullition.
Le rôle de la jeune pousse punk va bien à Vincent Macaigne. Un peu trop, même : à 38 ans, l’acteur-metteur-en-scène-réalisateur pourrait aussi bien passer pour un ultraconfirmé (quinze ans de théâtre et vingt de cinéma, un grand prix à Clermont, un téléfilm Arte…), et donc on a souri en découvrant que sortait son “premier film”.
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Allez, faisons comme si, d’autant que Pour le réconfort (son premier long de cinéma, pour être exact) est bien plus libre et farouche que pas mal de films labellisés “premier”, et a même failli ne pas être un film. A l’origine, il n’y a que des sessions de jeux, des exercices de troupe : une caméra est là, pour archiver, comparer, scruter, mais ça reste privé.
“Je le devais aux acteurs”
D’un côté un frère et une sœur, héritiers oisifs d’un château dont ils ne peuvent plus assumer les traites ; de l’autre un couple d’amis d’enfance, prolos devenus nouveaux riches, bourrés de rancœur, décidés à racheter le domaine et leur vengeance de classe avec.
Un beau jour, un peu triste de laisser traîner ces rushes, Macaigne les ressort et entreprend de monter l’ensemble en long métrage. “Je le devais aux acteurs”, nous dit-il, encore qu’on le soupçonne de s’être plus ou moins consciemment imposé cette genèse sauvage.
La médiocrité maladive des uns, l’arrogance vulgaire des autres
Librement inspiré de La Cerisaie de Tchekhov, structuré en saynètes moins gueulardes qu’on a pu le dire (par habitude concernant Macaigne, qui travaille pourtant ici un volume plus en rétention), le film vise juste en organisant l’irruption surprise d’une fracture sociale qu’on croyait anesthésiée : les dominés et les dominants partagent les mêmes lieux, respectent une vague pax romana, jusqu’à ce que peu à peu tout ressorte – le pauvre dégueule sa jalousie (la tirade “connards”, inoubliable), le riche sa domination. Pas de la petite exaspération : c’est toute l’aristocratie qui remonte (“t’es pauvre de naissance, pour toutes tes générations”).
Les horreurs de la haine de classe, la médiocrité maladive des uns, l’arrogance vulgaire des autres, entrent en ébullition dans ce film qui ne trompe personne en s’avançant comme un brouillon incontrôlé : au contraire, on tient bien là un virulent retour du refoulé qui n’est pas sans résonance dans la France de Macron. Back to basics, en gros : on continuera d’écraser plus pauvre comme de haïr plus riche que soi sous le soleil de la start-up nation.
Pour le réconfort de Vincent Macaigne (Fr., 2017, 1 h 31)
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