Jack Nicholson offre son corps marqué par les ans et son légendaire jeu de sourcils à un personnage d’écrivain perclus de phobies. Emouvant et très drôle.
James L. Brooks s’était fait remarquer il y a une quinzaine d’années en réalisant Tendres passions, avec Shirley McLaine et Jack Nicholson, qui avait à cette occasion récolté quelque Oscar. Brooks remet ici le couvert avec le gars Jack et construit le film à la gloire et au talent de son interprète idéal (mais Helen Hunt n’est pas mal non plus, surtout dans la deuxième partie). Pour le pire et pour le meilleur est une comédie sentimentale, à la fois drôle et émouvante.
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Melvin Udall (Nicholson) est handicapé par ses phobies : il utilise plusieurs savons neufs pour se laver les mains, apporte ses propres couverts en plastique au restaurant, évite systématiquement les fentes situées entre les pavés des trottoirs, etc. Sa vie serait un enfer total s’il n’avait fait fortune en écrivant des romans à l’eau de rose qui se vendent comme des petits pains et lui permettent d’habiter un appartement très chic de Manhattan, où il vit un peu comme dans un château fort ou un abri anti-atomique. C’est que pour trouver un certain équilibre, son existence a besoin d’être très organisée. Il se rend par exemple tous les jours dans le même restaurant et ne supporte pas d’être servi par une autre serveuse que Carol (Hunt). Pour se protéger du monde extérieur, Melvin a deux armes très efficaces : la misanthropie et surtout la méchanceté, qui l’empêchent de se laisser glisser sur le parquet de la sentimentalité (ça peut faire mal) et font fuir les plus vaillants. Melvin déteste donc la gent humaine et la gent animale, et celles-ci le lui rendent bien ce qui nous vaut quelques blagues antipolitiquement correctes assez drôles. En somme, Melvin s’est créé un petit royaume confortable que nul ne tente d’approcher. A sa façon, il est heureux. Bien sûr, cette sorte de bonheur, comme tout bonheur, nécessite quelques renoncements, dont celui de rechercher l’amour…
Le premier élément perturbateur de ce petit monde va être le chien le point faible de la distribution de son peintre homosexuel de voisin (Greg Kinnear). Puis c’est la maladie du fils de Carol, qui la forcera à quitter son boulot. Pour rétablir l’équilibre, retrouver sa solitude, sa tranquillité et ses habitudes, Melvin se voit contraint de sortir de sa bulle, de devenir bon malgré lui, de faire des efforts pour aller vers les autres. Seulement, Melvin est tellement habitué à faire le méchant que cette méchanceté-là est devenue une seconde nature. Essaie-t-il de dire quelque chose de gentil à une femme ? Il lui fait remarquer que sa robe est moche. Pourtant, en s’exposant, il va finir par rencontrer l’amitié, puis l’amour, sans pour autant guérir de ses phobies (la dernière image du film, comme dans El de Buñuel, ne laisse aucun doute là-dessus).
Tout ceci est patiemment mis en scène par James L. Brooks qui, peut-être sans grand génie mais avec un sens du détail évident, parvient à faire durer les scènes assez longtemps pour faire monter la pression, pousser les personnages dans leurs retranchements et leur faire dire ce qu’ils cachent. Il y a des choses surprenantes et cruelles dans Pour le pire et pour le meilleur, comme la scène où Carol lit à Melvin de vive voix la lettre de remerciements qu’elle lui a écrite et qu’il refuse de lire, ou la grande scène du dîner au restaurant, pendant laquelle Carol et Melvin, pourtant tout heureux de cette sortie inattendue, ne parviennent qu’à se faire mal alors qu’ils souhaiteraient se séduire.
Et puis il y a Nicholson. On dirait qu’il fait partie de notre famille. Ce type, son rôle, les deux confondus, à n’en pas douter, on les connaît. Parfaitement à l’aise dans ce rôle d’atrabilaire, il joue de ses demi-sourcils et de ses quenottes supérieures comme d’un Stradivarius. Mais ses tics sont justifiés par ses T.O.C. (troubles obsessionnels compulsifs). Bref, le gros Jacky parvient à renouveler son rôle fétiche de timbré en y apportant encore un peu plus de variété, d’humour et surtout de maturité, cette chose qui engage le corps de l’acteur et le révèle tel qu’il est : marqué par les ans.
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