La réalisatrice de Portrait de la jeune fille en feu est revenue sur la réception de Mektoub My Love, et compare les démarches des deux films.
Si Portrait de la jeune fille en feu a séduit la rédaction des Inrocks, c’est en partie parce que Céline Sciamma, comme à son habitude, entame une circulation fascinante du regard entre ses personnages, interrogeant autant la manière dont ses deux héroïnes se perçoivent, que la réception qu’en tire le spectateur. Il y a une ambiguïté passionnante dans le cinéma de Sciamma, que d’aucuns pourraient relier à du female gaze.
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Présenté en compétition au festival de Cannes, Portrait de la jeune fille en feu a beaucoup été comparé à Mektoub My Love : Intermezzo, le long métrage d’Abdellatif Kechiche qui a fait couler tant d’encre, en particulier pour sa peinture du corps féminin.
« C’était hyper intéressant qu’il y ait eu nos deux films en compétition »
Interrogée par So Film pour la sortie de son film, Céline Sciamma est revenue sur cette dichotomie qui a été pointée entre son cinéma et celui de Kechiche, tout en pensant qu’elle n’a pas lieu d’être : « C’était hyper intéressant qu’il y ait eu nos deux films en compétition. A la faveur notamment du Kechiche et du Portrait, la critique française s’est retrouvée face à la question du male gaze, du female gaze, de ces enjeux autour du regard. Kechiche et moi-même faisons des films qui sont des formes de manifeste autour de ces questions. C’est complètement stupide de penser que l’on ne peut pas aimer l’un et l’autre. Au contraire ! C’est là qu’il n’y a pas assez de travail de déconstruction d’une partie de la critique française et des spectateurs. On peut absolument aimer les deux.«
Céline Sciamma dénonce ainsi un moralisme qui réduit de véritables interrogations de cinéma à une binarité décevante. Si elle regrette de ne pas avoir pu voir le film d’Abdellatif Kechiche à Cannes (d’autant plus que sa réception à Cannes risque de provoquer un remontage), la réalisatrice déclare sa flamme à un autre long métrage du cinéaste : « Moi, j’aime La Vie d’Adèle par exemple, et je trouve que les scènes de sexe correspondent parfaitement au projet de Kechiche : parler de son rapport aux actrices, des rapports de ses actrices entre elles. C’est passionnant, à condition […] d’être actif – c’est essentiel devant les films de Kechiche. » Il est toujours beau de voir une artiste évoquer avec passion le travail d’un confrère, surtout pour défendre la pluralité des points de vue.
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