Huit ans après sa sortie, la réalisatrice porte un regard plus critique sur son troisième film.
Dans un entretien fleuve au New Yorker publié le 31 janvier dernier, Céline Sciamma s’est confié sur l’ensemble de sa filmographie, qui comprend cinq longs métrages dont Petite Maman sorti en 2021. À la question “Quel est le film qui semble le plus loin de vous désormais ?”, la Française, César de la meilleure adaptation pour le scénario de Ma vie de Courgette, n’hésite pas : il s’agit de Bande de filles qui, après Naissance des Pieuvres et Tomboy, vient clore sa trilogie sur la sortie de l’enfance.
Sorti en 2014, c’est l’un des premiers films français à réunir un casting presque exclusivement noir. Bande de filles raconte les premiers émois et galères d’une jeune adolescente en banlieue. Coincée entre un système scolaire inégalitaire et un grand frère tyrannique, Marieme “Vic” (Karidja Touré) commence à s’épanouit grâce à sa rencontre avec un groupe de filles mené de front par la charismatique Lady (Assa Sylla).
Une question de légitimité
Acclamé par la critique, le film a déçu de nombreuses militantes féministes noires, pourtant amatrices du cinéma de Sciamma. C’est le cas, par exemple, de l’universitaire Mame-Fatou Niang citée dans le New Yorker qui se souvient s’être dit : “Si même Sciamma ne peut pas comprendre, alors personne ne peut”. Selon elle, le film s’épuise dans un alignement de clichés à propos des banlieues : parents démissionnaires ou soumis, “Loi des grands frères” et omniprésence du deal. À l’époque, la réalisatrice du Portrait de la jeune fille en feu avait avoué ne pas s’être posé la question de sa “légitimité” à s’emparer d’un tel sujet et avoir voulu exprimer un parti pris politique et esthétique. Depuis, son avis est bien différent. “Pour moi, c’est très simple”, a-t-elle avoué dans l’interview. “Si des gens que vous considérez comme des alliés politiques vous disent ‘Cela n’aide pas la révolution. Cela la ralentit‘, alors ils ont raison. C’est tout”.