Après le four « Babylon A.D », le réalisateur Mathieu Kassovitz renoue avec le scandale avec son film sur la prise d’otages d’Ouvéa.
Après le parcours chaotique de son adaptation de Maurice G. Dantec, Babylon A.D, le réalisateur français Mathieu Kassovitz est une nouvelle fois confronté à des problèmes de production sur son nouveau projet, L’Ordre et la morale.
Le tournage de ce film sur les événements sanglants d’Ouvéa de 1988 débutera le 29 août en Polynésie française, dans une atmosphère de polémique. Selon le député UMP et président de l’Assemblée de la Province sud de Nouvelle-Calédonie, Pierre Frogier, le projet susciterait des « réticences fortes de la population, et notamment des habitants d’Ouvéa ».
Risque de fragilisation du processus de paix
C’est la première fois que le cinéma s’intéresse à cet épisode tragique de l’histoire calédonienne survenu le 22 avril 1988. Quatre gendarmes avaient été tués et trente pris en otage dans l’attaque de la gendarmerie d’Ouvéa par des indépendantistes kanaks. Deux jours avant le tour décisif de l’élection présidentielle, l’armée avait ordonné l’assaut de la grotte d’Ouvéa ; celui-ci avait fait 19 morts parmi les preneurs d’otages et deux parmi les militaires.
Dans un courrier de protestation adressé à Gaston Tong Sang, président de la Polynésie française, à propos de l’aide apportée par Papeete au film, l’élu UMP a déclaré apprendre « avec regret » « que [le] gouvernement a décidé de subventionner cette production ». Selon le député, le sujet « sensible » du film est susceptible de fragiliser « une période particulièrement cruciale du processus » de paix entre indépendantistes et loyalistes sur son territoire.
Le tournage, prévu sur deux mois, se déroulera à Anaa, un atoll isolé de la Polynésie, ainsi qu’à Tahiti et à Rurutu, aux Australes.
« Les faits, rien que les faits »
Selon le producteur du film, cité par l’AFP, l’objectif de Mathieu Kassovitz est de « relater les faits, rien que les faits », ajoutant que « ce n’est pas un film à charge contre l’armée [ni] un film pro-Kanak ».
Le projet a reçu le soutien du président autonomiste de la Polynésie française, Gaston Tong Sang, ainsi que du président de l’assemblée, Oscar Temaru. Pour le producteur de L’Ordre et la morale, ce sont aussi « les coutumiers, la grande chefferie, la mairie d’Ouvéa » qui défendent le film, dont le budget global est estimé à 14 millions d’euros (plus de la moitié dépensés en Polynésie française).
Après le petit scandale provoqué par Hors-la-loi de Rachid Bouchareb cette année, le film de Mathieu Kassovitz devrait assurer le quota polémique au prochain festival de Cannes où il devrait être présenté en avant-première.