Un road-movie d’une belle fraîcheur pop malgré la température ambiante et de petites maladresses.
Jamais le Sud n’aura tant saisi sa possibilité d’être l’Ouest. Un personnage (Sam), un véhicule (une vieille Ford pourrie), un mobile (la vengeance), un paysage (une France cousine du Texas) et un point de mire (l’Espagne – le Mexique du Vieux Continent), le tout sur des routes départementales désertes moulées dans un pays en friche. Dans son livre sur le road-movie, Timothy Corrigan résume ainsi les enjeux identitaires du genre : “La voiture devient une maison authentique, une origine perdue où ce que l’on voit est ce que l’on est.” Et c’est peu dire que le cinéma de Sébastien Lifshitz est marqué, depuis La Traversée (2001), de cette thématique de la quête d’une origine perdue et de l’obsession de se recréer un monde à soi (ici, trois vacanciers roots recueillis le pouce en l’air sur le bord de la route).
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Le récit : Sam (Yannick Renier, croisé dans les films de Joachim Lafosse) est hanté par un souvenir d’enfance, le suicide de son père (scène troublante) et ce qui en découla : la folie de sa mère, son placement en famille d’accueil et la perte de tous ses repères. Alors qu’il vient d’avoir 27 ans, sa mère (Nicole Garcia, d’une grande justesse), fraîchement sortie de l’hôpital psychiatrique, l’invite dans une lettre à la retrouver en Espagne après tout ce temps perdu, passé loin des yeux comme du cœur. Mais, toujours hanté par le trauma, c’est armé d’un flingue et de son indestructible haine que Sam va prendre la route, sur laquelle il rencontre Mathieu, frêle éphèbe qu’il désire en cachette, et sa sœur Léa (Théo Frilet et la démente, mais alors vraiment démente, Léa Seydoux). De là, Plein sud s’offre une mosaïque de genres : de road-movie, il devient teen puis encore beach-movie, avant de revenir à la vengeance.
Si cette valse hésitante empêche le film de se fixer tout à fait dans un imaginaire précis, il en est d’autant plus troublé par la bataille du montage parallèle où, tout au long du film, le passé de Sam vient se mêler au présent, comme une verrue cachée sous un sparadrap, pour au final fusionner puis triompher sur le récit premier du voyage, laissant au spectateur le goût amer de l’irrésolution. Plein sud pose également un véritable problème d’identification : les acteurs sont trop inaccessiblement beaux pour être vrais.
Mais de ces glissements et partis pris pas toujours maîtrisés se dégage une candeur très attachante, celle-là même qu’on trouve dans ces personnages parmi lesquels aucun n’est adulte ni ne sait ce qu’il fait ou doit faire. Et cette fascination pour les corps, si elle gêne à certains endroits, donne aussi une manière de relire le film dans toute sa force : le territoire est traversé à contre-courant, du nord vers le sud, caressé de haut en bas, et si l’on part du plus froid (la tête) c’est pour aller vers le chaud (le vagin originel). Là où les corps se découvrent et se répondent pour ne plus s’interrompre.
Sortie en salle le 30 décembre.
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