Exhumation d’une petite perle seventies sur un pensionnat de filles dans le désert australien. Le film culte de Sofia Coppola.
Auréolé du statut de film culte, Pique-nique à Hanging Rock compte parmi ses plus fervents admirateurs une certaine Sofia Coppola, qui à la sortie de Virgin Suicides ne cachait pas l’influence qu’avait eue sur elle ce film de Peter Weir sorti en 1975. De quoi nimber d’une touche hype la réputation de cet objet cinématographique non identifié, présenté ici dans sa version director’s cut, et aiguiser encore plus notre curiosité.
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Est-ce dû à la moiteur du climat australien, à ses paysages arides propices aux hallucinations ou au goût du cinéaste, au début de sa carrière, pour le fantastique (voir Les voitures qui ont mangé Paris), mais l’imagerie romantique qui nourrit le film paraît viciée. A moins qu’il ne s’agisse d’une dégénérescence liée au rigorisme victorien en vigueur, à la fin du XIXe siècle, dans ce pensionnat truffé de jeunes filles en fleurs réunies dans une proximité trouble.
Avant même que l’événement clé du film ne se produise, une énigme et un parfum de soufre planent sur cet établissement où se murmurent, un beau matin de Saint-Valentin, des mots d’amour, tel le bourdonnement opaque d’un essaim d’abeilles. Comme on le vérifiera plus tard, les images sont ici détentrices d’un secret inaccessible, aussi impénétrable que la virginité suraffichée de ces blanches colombes tout droit sorties de photos de David Hamilton : cette perversion de la perception contamine délicieusement Hanging Rock et trouve son point culminant dans la sublime scène de disparition de trois élèves et d’un professeur lors d’un pique-nique organisé près d’un immense rocher. Cette masse abrupte, à la difformité fascinante, devient la pierre d’achoppement de toute vérité : on ne connaîtra jamais la cause de cette évaporation, qui semble résulter de l’attraction érotique exercée par ce rocher et ses cavités.
Hanging Rock fait partie de ces films qui, comme Mulholland Drive, suscitent les passions et les spirales interprétatives en raison du noyau impénétrable autour duquel il tourne et bute admirablement. Mais ce n’est pas seulement en tant que support à fantasmes que le film est captivant, c’est aussi et surtout en tant que forme hybride, au carrefour de deux tendances majeures du cinéma contemporain : la modernité antonionienne, pour laquelle il n’y a pas de vérité possible de l’image, et un certain maniérisme ne croyant plus qu’à la réalité de l’image, de sa surface. La suite de la carrière de Weir, du Cercle des poètes disparus à Master and Commander, sera davantage marquée par l’académisme, comme si, après avoir approché de près cet inquiétant et insondable rocher, il avait préféré, apeuré, lui tourner le dos.
Reprise, en salle le 12 août.
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