Une sélection de dix films aussi méconnus qu’émoustillants qui font rimer érotisme et cinéma.
Au rayon érotisme, oubliez les grands classiques – L’Empire des sens, Emmanuelle ou Lady Chatterley –, les déclinaisons plus indé – Ken Park, Shortbus ou Baise-moi – et enfin les dernières nouveautés – Nymphomniac, L’Inconnu du lac ou Love, voici une liste de films que vous n’avez probablement pas (tous) vus et qui devraient sans doute réchauffer votre soirée de la Saint-Valentin.
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1. Fantasmes de Jang Sun-woo (1999)
Film coréen interdit aux moins de 16 ans à sa sortie, Fantasmes raconte l’histoire d’amour sadomasochiste entre un sculpteur de 38 ans et une lycéenne de 18. Il s’agit de l’adaptation du roman Essaie de me mentir (1996) qui valu à son auteur Jang Jung-il plusieurs mois de prison ferme. Devant la caméra sont confrontés deux acteurs débutants. Lui est un véritable sculpteur de profession, elle est mannequin. Sorte d’Empire des sens postmoderne, ce film tourné en DV est constitué de plans séquences à l’esthétique quasi-documentaire. Leur crudité n’a d’égale que la puissance érotique qui s’en dégage. Jang Sun-woo parvient à faire ce que Fifty Shades n’est jamais parvenu à accomplir, c’est-à-dire à montrer la complexité d’une relation SM sans vulgarité, ni cliché, comme une pure décharge amoureuse. Un petit chef-d’œuvre oublié.
2. Romance de Catherine Breillat (1999)
Sixième long métrage de la réalisatrice française spécialiste du genre, Romance n’est pas sans rappeler Belle de jour de Luis Bunuel (1967). On y suit Marie (Caroline Ducey), une jeune femme qui trompe l’ennui de son couple avec plusieurs hommes pour finalement finir entre les mains d’un homme plus âgé. Interprété par François Berléand, il l’entraîne dans son penchant sadomasochiste. On y retrouve également Rocco Siffredi, qui rejouera sous la direction de Catherine Breillat cinq ans plus tard dans le non moins brûlant Anatomie de l’enfer (2004). Comme dans ce dernier film, on assiste à des rapports sexuels non simulés. Capturés avec une violence sourde et presque clinique, ils témoignent de l’extraordinaire capacité de la réalisatrice à représenter le sexe comme une pulsion dont l’apparente simplicité ne cache rien des abyssales ramifications auxquelles elle obéit.
3. Bound des Wachowski (1996)
Avant la trilogie Matrix et bien avant Sense8, les sœurs Wachowski, qui étaient à l’époque encore frères, ont débuté leur carrière avec un petit bijou d’érotisme lesbien. Doté d’une esthétique de film noir, Bound suit deux femmes éprises d’une passion subite. Autour d’elles gravite une mafia dont elles vont tenter de se jouer. Les réalisateurs y témoignent déjà d’une inventivité formelle époustouflante, ici ramenée à l’échelle d’un quasi huis-clos. Bound, seul Wachowski dénué de science-fiction, est à n’en pas douter l’un de leur meilleurs films. A noter qu’il existe une version non censurée du film. On y a droit une minute de sexe intense entre les deux héroïnes.
4. Destricted (2006)
Projet collectif, Destricted rassemble sept courts métrages au travers desquels des artistes font se rencontrer l’art et le sexe. Y figurent les réalisateurs Gaspard Noé, Marco Brambilla et Larry Clark, mais également la performeuse Marina Abramovic, les plasticiens Richard Prince et Matthew Barney et pour finir la vidéaste Sam Taylor-Wood, future réalisatrice de… Cinquante nuances de Grey ! Alors si forcément l’ensemble est inégal – le court de l’auteur de Ken Park y surnage largement – il témoigne, comme l’a à l’époque relevé Philippe Azoury dans Libération, du décentrement de l’intérêt pour le porno, « comme si soudain il ne s’agissait plus de filmer des culs (ça, c’est le travail de la machine pornographique et sa puissance de frappe est sans égal), mais de tirer un portrait du spectateur qui se branle, une image d’une humanité née avec le porno, après le porno, ou depuis le porno« .
5. Presque rien de Sébastien Lifshitz (2000)
Avant L’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie, Sébastien Lifshitz a lui aussi su capturer avec grâce les amours de deux hommes au bord d’une plage. Mathieu (Jérémie Elkaïm aussi beau à 22 qu’à bientôt 40 ans) s’ennuie dans la station balnéaire dans laquelle il passe son été. Il rencontre Cédric (Stéphane Rideau lui aussi sublime), une jeune homme pour qui il se met à éprouver une irrépressible attirance. Doté d’une narration non-linéaire, tout le film obéit à une logique de montage parallèle où le futur contrarié d’une relation y côtoie ses premiers émois. Entre ces deux pôles temporels se joue tout le bal des sentiments et du désir, de l’espoir que représente l’autre et de la mélancolie de son absence. A noter que la réalisation de l’affiche du film a été confiée aux photographes Pierre et Gilles.
6. Dirty Diaries (2009)
Là encore, il s’agit d’un assemblage de court-métrages unis cette fois sous la bannière d’une représentation féministe de la pornographie. Produit par la suédoise Mia Engberg, le film suscita une petite polémique du fait de son financement réalisé à partir de fonds publics. Mêlant l’humour, l’arty, le queer et épousant un point du vue qui répondra plus tard au nom de female gaze, ces Dirty Diaries sont plus que jamais aussi salutaires qu’excitants. Une nouvelle fois, une œuvre se détache, celle d’Elin Magnusson, intitulée Skin. Sur une musique de Boston Pops, on peut y voir deux corps enfermés dans une combinaison de tissu couleur chair se frotter l’un contre l’autre. Peu à peu, à l’aide de ciseaux, les deux protagonistes recréent des ouvertures, et rédécouvrent leurs corps par le biais de ces nouvelles zones de contact devenues érogènes.
7. Caligula de Tinto Brass (1979)
Film historique retraçant le règne de l’empereur romain Caligula – incarné par l’acteur d’Orange mécanique Malcolm McDowell –, ce film a été pensé pour surfer sur la vague de productions érotiques et gore qui remportaient un certain succès dans les années 70. Une esthétique franchement pornographique fut imposée contre son gré à Tinto Brass, pourtant habitué du genre. Bob Guccione, fondateur du magazine Penthouse et producteur du film, lui retira même le montage pour y insérer plusieurs scènes purement pornographiques qu’il tourna lui-même. Projet initié par Roberto Rossellini, Caligula est une super-production inédite, un péplum porno doté d’un indéniable apport artistique. Au casting y figure également Peter O’Toole et Elen Mirren. Les majestueux décors et les somptueux costumes du film ont quant à eux été réalisés par Danilo Danito, collaborateur habituel de Fellini. Sorte de double hollywoodien et maudit du Salo de Pasolini, Caligula est un film hors-norme aussi daté dans sa représentation de la sexualité que fascinant dans sa démesure et son ambition artistique.
8. Les Contes immoraux de Walerian Borowczyk (1974)
Prolongeant la série des films de Rohmer vers un versant plus coquin, Walerian Borowczyk, auteur érotique s’il en est, signe avec Les Contes Immoraux son meilleur film. A travers quatre récits, il propose une histoire du libertinage à travers les âges. Il s’agit à n’en pas douter d’un sommet d’érotisme et de raffinement esthétique. On y retrouve sa critique du clergé héritée du surréalisme, son chromatisme léché et surtout son extraordinaire capacité à filmer la chair. A noter : les prestations de Paloma Picasso, la fille du peintre, et d’un Fabrice Luchini tout jeune homme.
9. L’Ennui de Cédric Kahn (1998)
Adaptation du roman éponyme d’Alberto Marovia, L’Ennui narre le récit d’un professeur de philosophie en pleine dépression (Charles Berling ici survolté) possédé par une passion charnelle pour une jeune femme qui le vampirise doucement (Sophie Guillemin ici révélée). La chair et l’esprit s’y adonnent aux joies de l’expérience amoureuse dans toutes ses dimensions. Cédric Kahn surprend dans son amplitude à filmer le sexe et fait preuve de son habituel capacité à toucher au cœur à partir du banal.
10. Belladonna d’Eiichi Yamamoto (1973)
Bien qu’il ait bénéficié d’une ressortie en copie restaurée en France il y a deux ans, ce véritable chef-d’œuvre de l’animation érotique japonaise est encore trop méconnu. Prenant racine dans les contes médiévaux de Michelet, le film raconte l’histoire d’une jeune femme qui se fait sorcière pour se venger des hommes qui l’ont fait souffrir. Furieusement psychédélique, libertin et expérimental, Belladonna est porté par des graphismes d’une audace folle. S’inspirant autant de l’Art Nouveau que du manga, des illustrations du tarot, que d’Egon Schiele ou de Gustave Klimt, le film mélange avec brio les techniques d’animation. Chaque plan y est une expérience sensible et érotique. Une pure merveille.
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