Le Sud-Coréen nous envoie depuis sa retraite solitaire une inventive farce grotesque et sadique.
Les rares festivaliers cannois qui assistèrent, en 2011, à la projection du dernier film de Kim Ki-duk, l’autoportrait documentaire Arirang, découvrirent un auteur malade et un homme obsessionnel, paranoïaque, lessivé par une crise d’inspiration et le mauvais accueil critique réservé à ses films.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Deux ans plus tard, le Sud-Coréen nous revient dans le même état clinique ou presque avec un nouvel opus, Pieta (récompensé d’un Lion d’or à la Mostra de Venise), qui prolonge le portrait d’un auteur dégoûté du monde, compulsant ses fétiches morbides dans un système de plus en plus solitaire mais d’où émerge, cette fois, un film assez intriguant.
Il y est question d’Œdipe contrarié, de Vierge de Pitié et de tout un attirail symbolique décorant grossièrement une tragédie urbaine d’une brutalité inouïe, partagée entre l’imagerie des torture-porns et le récit d’une rédemption qui voit un mafieux s’absoudre de ses crimes après le retour de sa mère fugitive.
On y découvre des enfants qui couchent avec leurs parents, des animaux torturés, des hommes cannibalisés et d’autres joyeusetés filmées sans aucune distance par un cinéaste chez qui le moindre rapport social s’envisage sous l’angle exclusif de la torture.
Ce serait pitoyable ou simplement vain s’il n’y avait ici une forme d’inconséquence délirante, une pulsion malsaine qui propulse le film dans la farce grotesque et le distingue du pensum moraliste attendu. Au-delà des lignes de partage entre le bien et le mal, entre la raison et la folie, Pieta occupe un imaginaire proche du surréalisme dont la force paradoxale tient précisément de ses excès et outrances gore, évoquant le Visitor Q de Takashi Miike.
Dans ce petit jeu pervers continuellement relancé, dont le seul objet semble être d’atteindre la pure sophistication sadique, Kim Ki-duk fait preuve d’une inventivité féroce et rassure un peu sur l’état de son cinéma.
{"type":"Banniere-Basse"}