Polar insignifiant, « Un homme idéal » raconte l’histoire d’un plagiaire. Ses auteurs se sont-ils comportés comme leur personnage ?
L’alibi
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“Bien évidemment qu’on pense à Plein soleil.” C’est ainsi que Yann Gozlan annonce la couleur dans le dossier de presse de son film, Un homme idéal. Les références au film de René Clément (1960), adapté d’un roman de Patricia Highsmith, sont en effet multiples. Même motif de l’usurpation, même dérapage dans la criminalité, même cadavre qu’on croyait coulé et qui refait surface. Avec, en guise de néo-Delon, déguisé pour l’occasion en minet sixties (polo Lacoste et pantalon de toile estival), la star fraîchement césarisée Pierre Niney, dans un nouveau festival de petites mines expressives : yeux de chouette pour dire l’effarement, doigt posé sur la bouche pour l’interrogation, etc. Mais l’hommage avoué à Plein soleil n’est peut-être qu’un trompe-l’œil…
Le plagiat ?
Le cinéaste omet en effet un film américain méconnu, sorti en 2012 et jamais distribué en France : The Words de Brian Klugman. Les similitudes entre ce mélodrame à oscars et le thriller de Gozlan sont manifestes. The Words raconte ainsi l’histoire d’un aspirant écrivain (Bradley Cooper) qui tombe sur un vieux manuscrit et le publie sous son nom, s’enfonçant dans un cycle coupable de dissimulation. Outre cette situation initiale, les deux films partagent d’autres affinités : les écrivains-fraudeurs agissent par souci d’élévation sociale, mais aussi par amour ; les manuscrits volés y sont des récits de guerre (la Seconde Guerre mondiale pour l’un, l’Algérie pour l’autre) ; leur falsification donne lieu à des scènes au décor et découpage rigoureusement identiques.
La mise en abyme
Dans une infernale spirale spéculative, le film The Words a lui même été accusé de plagiat – d’un roman de Martin Suter, Lila, Lila. Entre décalque sous prétexte d’hommage et plagiats gigognes, le film ouvre un abîme. D’autant plus troublant que c’est aussi son sujet. Un sujet traité de façon moins captivante par le film lui-même (thriller assez piteux) que par ces rimes troublantes dans les agissements de ses auteurs et dans ceux de leur personnage. Rappelons que le roman de Patricia Highsmith dont est adapté Plein soleil s’intitule The Talented Mr. Ripley (Anthony Minghella en fit aussi une adaptation avec Matt Damon). “Mr. Replay” aurait été plus juste.
Romain Blondeau et Jean-Marc Lalanne
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