Le producteur Pierre Cottrell est mort. Collaborateur d’Eric Rohmer et de Jean Eustache, il fut notamment le producteur de « La Maman et la Putain ».
Le producteur Pierre Cottrell est mort le 23 juillet. Grand cinéphile, touche-à-tout du 7e Art, Cottrell fut l’étroit collaborateur de Barbet Schroeder ou d’Eric Rohmer et le producteur de La maman et la putain, chef d’oeuvre absolu de Jean Eustache, et plus beau film français de tous les temps.
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Il rencontre Eric Rohmer à quinze ans
Né en 1945, Pierre Cottrell grandit dans le sillage de la Nouvelle-Vague. Précoce, il manifeste tôt une passion dévorante pour le cinéma, et il n’a que quinze ans lorsqu’il rencontre Eric Rohmer en 1960 (alors rédacteur en chef des Cahiers du cinéma et auteur de plusieurs courts-métrages). En 1962 il participe aux côtés de Barbet Schroeder à la création des Films du Losange et à la production de La boulangère de la rue Monceau et de La Carrière de Suzanne, deux courts-métrages de Rohmer du cycle des Six contes moraux. Véritable touche à tout, Cottrell est premier assistant et acteur sur La Carrière de Suzanne avant de prendre les rênes de la production d’Une étudiante d’aujourd’hui. C’est aussi lui qui, officieusement, signe le scénario d’Une Collectionneuse à partir d’enregistrements sur cassettes de longues conversations entre Rohmer et ses acteurs. En 1969 il coproduit Ma Nuit chez Maud.
Jean Eustache avait menacé de le tuer
L’autre rencontre déterminante de sa vie sera avec Jean Eustache. Cottrell se lie d’amitié avec le cinéaste avant qu’un épisode extravagant contraigne le producteur à prendre ses distances. Dans un entretien accordé à Serge Toubiana, dans le numéro d’avril 1995 des Cahiers des Cinéma, Cottrell racontait comment Eustache, pris d’une folie douce, menaçait de le tuer :
« Il a fait sur sa femme, en ma présence, une tentative de meurtre. Il m’en voulait énormément de l’avoir aimée, même si – ou parce qu’il avait délibérément provoqué la situation. Je ne sais pas si elle était déjà secrétaire aux Cahiers du cinéma. Jean avait son revolver, qu’il montrait à Jean Domarchi et à Barbet Schroeder en disant : ‘Je vais tuer Cottrell’. Ce grotesque numéro a duré des mois. Pour éviter cette fin lamentable, il fallait que je me débrouille pour arriver au cinéma au moment où la lumière s’éteignait, et que je parte avant le générique de fin. Jean était déjà, comme il a été toute sa vie, un grand manipulateur. La mise en scène était son quotidien. »
Cottrell, pour échapper à la houle, se rend aux Etats-Unis en 1963. Il rencontre à Hollywood cinéastes et producteurs influents du moment, comme Otto Premimger qu’il porte aux nues ou encore Bob Raffelson, sommité du Nouvel Hollywood.
En 1972 il produit La Maman et la Putain
A son retour à Paris il produit Les Mauvaises fréquentations d’Eustache, qui n’a plus de velléités criminelles à son égard et, en 1972, La Maman et la putain. Film générationnel devenu chef d’oeuvre intemporel, La Maman et la Putain marque un tournant dans la carrière de Cottrell comme il a marqué un tournant dans l’histoire du cinéma. Après ce coup d’éclat, Cottrell poursuit une carrière hétéroclite et internationale qui l’amène à travailler avec Wim Wenders, Raoul Ruiz ou encore Roger Corman.
Producteur talentueux et cinéphile total, il fut aussi l’un des grands noms du sous-titrage, s’échinant à diffuser à travers le monde son amour inconditionnel pour le cinéma. Mort à l’âge de 70 ans, Pierre Cottrell aura marqué le 7e Art d’une empreinte aussi discrète qu’indélébile.
A l’occasion de la sortie de Ma nuit chez Maud d’Eric Rohmer, il était l’invité, aux côtés de Jean-Louis Trintignant et de Jean Douchet, de l’émission Télécinéma.
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