Avec Zac Farley, le romancier culte Dennis Cooper traite à nouveau du désespoir adolescent, mais sans sa coutumière violence sexuelle. Poétique et fascinant
Au moment de découvrir le second film de Dennis Cooper et de son jeune compère Zac Farley se pose la question du rapprochement avec The Smell of Us de Larry Clark (2014). Car en plus de partager avec le réalisateur de Kids (1995) une fascination sexuelle pour le corps des adolescents, Cooper, l’écrivain culte du mouvement queercore, a ici délocalisé ses marottes sous nos latitudes, dans notre langue et en ayant recours à un casting de jeunes Frenchies pour la plupart inconnus, excepté Théo Cholbi, qui tenait justement le rôle de Pacman dans The Smell of Us.
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Une furtive scène de masturbation
La vision de Permanent Green Light temporise ce cousinage avec le film de Clark puisqu’on est bien loin du film sulfureux qu’on aurait pu imaginer. Les pratiques sadomasochistes et la sexualité débridée omniprésentes dans les écrits de Cooper et traitées, dans une déclinaison soft, dans son premier film, Little Cattle Towards Glow (2015), sont ici quasiment absentes – à peine a-t-on droit à une furtive scène de masturbation solitaire.
Ce qui intéresse le duo de réalisateurs n’est définitivement pas la jouissance, mais plutôt son envers, le désir de mourir, de ne rien ressentir. Le personnage principal, incarné par l’excellent Benjamin Sulpice, est habité d’une mélancolie si forte qu’elle déclenche chez lui une fascination pour le suicide.
Une géométrie banlieusarde cafardeuse, une lassitude de vivre et une fascination pour la violence
La sève la plus profonde
A partir de là se déploie le véritable horizon du film qui regarde du côté d’Elephant (qui s’affirme définitivement comme l’un des films matriciels du cinéma contemporain) et de ses héritiers. On ne peut d’ailleurs s’empêcher de penser à un film sorti il y a deux semaines : Jessica Forever de Jonathan Vinel et Caroline Poggi. Mais c’est comme si Cooper avait retranché au film du couple tous ses apparats – le fétichisme publicitaire, les indices de hype (musique, fringues) et les références à la pop culture (cinéma de genre, jeu vidéo) – pour n’en garder que la plus profonde sève, à savoir une géométrie banlieusarde cafardeuse, une lassitude de vivre et une fascination pour la violence. Minimaliste et crépusculaire, le film fixe une poésie baudelairienne fascinante.
Permanent Green Light de Dennis Cooper et Zac Farley, avec Théo Cholbi, Benjamin Sulpice, Julien Fayeulle (E.-U., Fra., 2018, 1 h 32)
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