Un faux film de vengeance qui vire à la chronique cinglante de la barbarie dans la Chine moderne.
De l’aveu même de son auteur Cai Shangjun, une figure de
la “sixième génération” chinoise jusqu’ici inconnue de nos radars, People Mountain People Sea serait un film incomplet. Certaines scènes, jugées trop démonstratives, auraient été coupées au montage ; d’autres, simplement oubliées.
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Tel qu’il nous parvient, deux ans après son sacre à la Mostra de Venise (prix de la mise en scène), le film affiche ainsi quelques béances et zones d’ombre, risquant au passage de dérouter ceux qui ne jurent encore que par les récits linéaires et leurs enchaînements inflexibles de causes et d’effets.
Mais ces nombreuses absences, fussent-elles accidentelles, participent aussi de la beauté vénéneuse de ce filmaux contours indéfinis, à la fois western contemplatif hyperstylisé, rugueux mélo familial et chronique sociale embedded dans la Chine moderne.
Tout commence pourtant de la plus classique des manières, par une scènede polar : dans une carrière, un homme
est sauvagement assassiné, sans mobile apparent. Le frère de la victime, Lao Tie, entreprend alors de retrouver le tueur et se lance dans une traque qui le mène du Sud au Nord, de sa province rurale au tourbillon de la ville mutante de Chongqing.
Bientôt, d’autres personnages surviennent sans plus d’explication, l’histoire se désaxe, la chronologie s’accélère ou s’interrompt brutalement, tandis que l’on ne saisit plus ce qui guide la quête du héros vengeur, dont la proie reste toujours fuyante.
Sa trajectoire devient une perdition, et le film une odyssée dans les enfers chinois, un portrait composite d’un pays gangrené par la misère et la brutalité qui n’est pas sans rappeler la furie abstraite de My Joy, de Sergei Loznitsa. Au terme de ce périple, conclu dans l’obscurité suffocante des mines illégales, ne reste plus qu’une seule image, entêtante analogie de tout un pays : un champ de ruines.
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