Entre journal intime et photos souvenirs, Claire Doyon signe un documentaire à l’écriture cristalline qui raconte l’expérience de vie de sa fille atteinte d’autisme.
“On a trouvé un lieu de vie pour toi”. Cela commence comme un déchirement. Une mère séparée de sa fille. On entend aussi, dans cette voix cachée derrière la caméra, comme un soulagement. Âgée de 18 ans, Pénélope est porteuse d’autisme depuis sa naissance. Construit comme un bloc à part avec le reste de la structure du film qui a, elle, été pensée chronologiquement, ce choix permet, dès le début, d’évacuer chez les spectateur·trices une idée qui aurait pu germer en elleux. Ceci n’est pas un film sur la guérison. Pénélope ne guérira pas.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
C’est l’une des grandes lignes de force du film de Claire Doyon – cinéaste révélée en 2003 à La Quinzaine des réalisateurs avec son premier long-métrage Les Lionceaux – et mère de Pénélope, qu’elle filme depuis sa naissance. Pour elle comme ses spectateur·trices, il faudra déboulonner définitivement ce miracle de guérison, cette quête inatteignable qui vient s’accaparer toute la place, et parfois même recouvrir les moments de bonheur qui auraient pu exister.
Objet documentaire hybride, à mi-chemin entre une lettre de mère adressée à sa fille, un journal intime et un recueil de souvenirs, Pénélope, mon amour saisit toute l’opacité que crée la maladie autour de Pénélope mais révèle aussi ces moments de connexion qu’elle échange avec sa mère. En voix-off, la cinéaste, qui n’apparaîtra quasiment jamais à l’écran, exprime d’une écriture cristalline et sans concession les pensées qui la traversent, des plus douloureuses et terribles aux plus apaisés et porteuses d’espoir.
Le cinéma comme nouvel espace au monde
L’une des grandes frustrations et cruautés racontées par cette voix, c’est la difficulté à normaliser la situation de sa fille, afin que cette dernière puisse être conforme à l’acceptation sociale. Or, Pénélope ne pourra jamais pleinement s’y intégrer. Il demeure pourtant un chemin. Pas d’élixir magique, mais un moyen de résistance salvateur.
“Je te filme, je sais pas quoi faire d’autre”, déclare, caméra au poing, la mère à sa fille, durant une nuit d’insomnie. A partir du moment où l’image la filme, Pénélope n’est plus réduit à sa pathologie. Ses gestes et ses expressions ne sont plus des parasites étranges venant appuyer sa non-normativité, mais les impulsions d’un corps et d’un visage conscient qu’elle est le centre d’un regard. Parce que, d’une manière ou d’une autre, l’image transfigure son modèle et rend possible un nouvel espace au monde, le cinéma devient alors ce formidable écrin pouvant loger l’expression de l’inordinaire. Mère comme fille, le cinéma leur a permis de trouver cette place.
Pénélope, mon amour, de Claire Doyon, sortie le 12 octobre.
{"type":"Banniere-Basse"}