On avait un peu perdu de vue Penélope Cruz, la croyant définitivement abonnée à des productions hollywoodiennes sans grand intérêt (Capitaine Corelli, Nous étions libres, Sahara), voire des europuddings indigestes (Fanfan la Tulipe, Bandidas). Mais dans Volver, elle nous met une claque, prouvant quelle formidable actrice elle peut être : à la fois puissante et […]
On avait un peu perdu de vue Penélope Cruz, la croyant définitivement abonnée à des productions hollywoodiennes sans grand intérêt (Capitaine Corelli, Nous étions libres, Sahara), voire des europuddings indigestes (Fanfan la Tulipe, Bandidas). Mais dans Volver, elle nous met une claque, prouvant quelle formidable actrice elle peut être : à la fois puissante et vibrante, aussi bien hilarante que déchirante (à cet égard, la scène où elle chante en s’accompagnant à la guitare est une tuerie). Grâce à Pedro Almod’var, elle a trouvé un rôle digne de ceux qui ont fait la légende de ses aînées Anna Magnani ou Sophia Loren. Penélope a beau vivre la moitié de son temps à Los Angeles, elle n’a pas adopté les manières de ses cons’urs hollywoodiennes : elle se raconte sans fausse pudeur, éclatant de rire sans qu’on ait l’impression qu’elle ait répété devant sa glace, experte dans l’art de transformer la cuisse du journaliste en punching-ball informel. Rencontre avec une nature.
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Entretien > Vous souvenez-vous de la première fois que Pedro Almod’var vous a parlé de Volver ?
Penélope Cruz Ð C’était pendant la promotion de Tout sur ma mère. A l’époque, il y a sept ans déjà, il m’imaginait dans le rôle de la fille adolescente de Raimunda. Puis, l’année dernière, il m’a fait lire la première moitié du script pendant un voyage en avion qu’on faisait ensemble. Il a fait semblant de dormir, mais je voyais bien qu’il guettait la moindre de mes réactions. Et des réactions, j’en ai eues : j’ai ri, j’ai pleuré. A l’atterrissage, je l’ai pressé d’écrire la suite.
Finalement, il vous a proposé de jouer Raimunda, la mère : vous ne vous trouviez pas trop jeune pour le rôle ?
Non, parce que c’est une jeune mère. Elle a eu sa fille à 16 ans. J’ai le même âge qu’elle. A 16 ans, j’étais déjà une femme, vous savez. Je dirais même que j’étais plus une femme qu’aujourd’hui. En tout cas, j’étais pressée de l’être. Je n’étais pas du tout attirée par la débilité du trip ado. Je ne voulais pas aller faire la fête en boîte, me droguer ou perdre mon temps. J’étais seulement intéressée par le travail… et par les hommes ! (elle éclate de rire).
Vous n’aimez pas davantage les soirées aujourd’hui ?
Non ! Quand je vais à une soirée, j’emporte mon agenda électronique et je travaille.
Quel genre de travail ?
Je travaille beaucoup, vous savez. Il se passe des tas de choses dans ma vie. Je dois répondre en permanence à plein de questions. J’ai un magasin de vêtements à Madrid. Je suis en train de produire deux films. Et je prends conscience du temps qui passe : j’essaie de voir ma famille, ma mère… Si je veux discuter avec quelqu’un, je préfère le voir en tête à tête plutôt que dans un club. Donc, le club, c’est seulement si vraiment j’ai très envie de danser, mais alors, là, je trace directement sur la piste de danse, et j’évite de parler. En plus, qui dit club dit souvent drogues, et je les déteste. Toutes.
C’est donc que vous avez essayé ?
Oui, vers 20 ans, j’ai tout essayé une fois, pour voir ce que c’est. Enfin, seulement les plus douces. Et j’ai vraiment
détesté. Je n’aime pas perdre le contrôle. Mais ce n’est pas seulement ça : c’est aussi parce que ça abîme le système nerveux. Il se trouve que j’ai vu des proches détruire leur vie, et ça m’a vraiment mise en colère. Des êtres magnifiques, pleins de vie, promis à tant de choses et qui, à cause de cette merde, se sont détruits. J’ai du mal à l’avaler.
Je reviens sur le travail : vous avez l’air d’adorer ça.
Je pense même qu’on peut parler d’addiction. Je dois me forcer à prendre du temps pour moi, pour vivre, voir mes proches, faire d’autres expériences.
Dans la mesure où vous avez commencé très jeune, votre vie a donc surtout été une vie de travail.
C’est vrai. Mais j’ai le sentiment de vivre intensément quand je travaille. Je rencontre des gens formidables, j’apprends beaucoup d’eux. J’apprends aussi beaucoup sur moi. J’ai le sentiment d’avoir une vie de gitane, je passe d’un pays à l’autre, et c’est assez grisant. Tous les matins, je me réveille en me disant : comment vais-je faire quand j’aurai des enfants ? Est-ce que je dois en faire ? Quand ? Comment ? Et où ? Je suis très attachée à l’Europe et je ne suis pas vraiment s’re que ce soit une bonne chose d’élever un enfant à Los Angeles.
Aujourd’hui, vous vivez à Los Angeles ?
La moitié du temps, et le reste à Madrid.
Vous aimez la vie à L. A. ?
Disons que je la supporte dans la mesure où je sais, à chaque fois que j’y vais, quand je vais repartir pour Madrid. a me fait des petits blocs de un à trois mois : ça me rassure. Je n’arrêterai jamais de travailler en Europe car Los Angeles peut être un piège terrible. Je suis très reconnaissante pour les incroyables opportunités que m’offrent les Etats-Unis, mais je me vois avant tout comme une actrice européenne qui tourne en quatre langues : l’espagnol et l’anglais, mais aussi l’italien et le français. La ville de mon c’ur reste Madrid.
Pouvez-vous vous promener tranquillement dans les rues de Madrid ?
A Madrid, les gens me considèrent comme leur voisine. Ils me parlent gentiment, ni trop, ni pas assez. Il y a un sentiment de proximité. Ils ne me voient pas comme une diva. Après, il y a des situations dans lesquelles il ne vaut mieux pas que je me trouve. Par exemple, ce ne serait pas très malin de ma part de vouloir aller en boîte à Madrid : là, c’est s’r que je n’en sors pas vivante ! Mais je peux sortir seule dans la rue. Hier, j’ai voyagé seule de Madrid à Paris. Je ne l’avais pas fait depuis quelques années. Il était temps. Je ne veux pas vivre avec un cordon de protection autour de moi.
Vous disiez tout à l’heure vous être lancée dans une activité de productrice ?
Oui, ça fait environ un an. C’est ma nouvelle aventure. J’ai besoin d’être dans une démarche créative. J’ai commencé par acheter les droits d’Une passion indienne, la biographie écrite par Javier Moro de la célèbre danseuse de flamenco andalouse Anita Delgado. Elle a fait scandale en épousant secrètement et très jeune un maharajah indien au début du XXe siècle. Je serai à la fois la productrice du film et l’actrice principale puisque j’ai une formation de danseuse : je l’interpréterai de 18 à 37 ans. On va tourner en Espagne et en Inde, avec des stars de Bollywood. J’en reviens à ce que je disais plus haut : j’adore travailler. Quand j’étais petite, aller à l’école ne me suffisait pas. Après la journée d’école, mes parents ne savaient pas quoi faire de moi car j’avais encore trop d’énergie à dépenser. C’est comme ça qu’ils ont eu l’idée de m’inscrire aux cours de danse du conservatoire national de Madrid. Aujourd’hui, il faut parfois que je me discipline pour me forcer à me reposer. Et surtout pour arrêter de penser car mon cerveau s’active en permanence. Je vous promets que je suis épuisante ! Et pas seulement pour les autres : pour moi aussi !
C’est la troisième fois que vous tournez avec Almod’var : quelle relation avez-vous avec lui ?
Parfois, il est comme un deuxième père. Parfois, davantage un grand frère. Parfois, plutôt un ami. Mais un ami qui aurait une place très particulière. C’est quelqu’un qui est très important pour moi dans le travail, évidemment, mais aussi dans ma vie personnelle. Il a donné une couleur et une magie spéciales à ma vie, comme peu d’autres l’ont fait. Je peux dire qu’il est l’un des amours de ma vie.
Avec Antonio Banderas, formez-vous une communauté d’acteurs espagnols à Hollywood ?
Antonio et moi sommes très amis. Je suis également très proche de Salma Hayek. Il est arrivé que je me sente en petite forme et qu’Antonio me fasse une paella pour me remonter le moral ! C’est un cliché terrible, n’est-ce pas ?
Votre s’ur M nica est, elle aussi, comédienne : lui avez-vous donné des conseils ?
On parle de notre métier, mais je ne lui donne pas vraiment de conseils. Elle travaille dur, ne veut pas se servir de ma renommée et les gens le respectent. Pareil pour mon frère, Eduardo, qui n’a que 21 ans mais qui est déjà un musicien extraordinaire. Il va être une grosse surprise. Il vient de signer avec Warner à Miami. Il écrit toutes ses chansons, paroles et musique, chante, fait lui-même les arrangements et la production. Il a toujours refusé de m’accompagner aux premières. Il veut être connu pour sa musique, pas en tant que frère de Penélope Cruz. Il a même refusé que je joue dans son premier clip.
Que pensez-vous des avancées sociales en Espagne, telles que l’ouverture du mariage aux homosexuels ?
Je m’en sens fière. Je pense que chacun doit avoir un maximum de liberté, dont celle de se marier, qu’on soit homo ou pas. Je sais que pour beaucoup de mes amis gays la possibilité de se marier est le dernier de leurs soucis. Mais je trouve que c’est un progrès qu’ils puissent le faire s’ils en avaient envie.
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